Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 146
Le mercredi 20 mars 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 20 mars 2013
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le discours du budget
Les sièges réservés aux sénateurs à la tribune de la Chambre des communes
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler que le discours du budget sera prononcé à l'autre endroit à 16 heures demain, le jeudi 21 mars 2013.
Comme par le passé, les sénateurs devront prendre place dans la section de la tribune de la Chambre des communes réservée au Sénat. Les premiers arrivés seront les premiers servis. L'espace étant restreint, c'est la seule façon de garantir une place aux sénateurs qui voudront être présents. Malheureusement, il n'y aura pas de siège pour les invités des sénateurs.
Hommages
L'honorable Bert Brown
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, plus tôt, j'ai reçu un avis de madame le leader du gouvernement au Sénat qui demande que la période des déclarations de sénateurs soit prolongée afin qu'on puisse rendre hommage au sénateur Brown, qui prendra sa retraite du Sénat le 22 mars 2013.
Je rappelle aux sénateurs que, conformément au Règlement, les interventions des sénateurs ne peuvent dépasser trois minutes. En outre, chaque sénateur ne peut prendre la parole qu'une seule fois et le temps alloué aux hommages est limité à 15 minutes. Toutefois, ces 15 minutes ne comprennent pas le temps alloué pour la réponse du sénateur à qui on rend hommage.
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il y a environ cinq ans et demi, j'étais très fière de prendre la parole dans cette enceinte pour présenter la deuxième personne qui a été nommée au Sénat du Canada après avoir été élue par la population de sa province, l'Alberta. Aujourd'hui, nous disons au revoir à notre collègue, le sénateur Bert Brown, qui a fièrement représenté l'Alberta dans cette enceinte et est un membre estimé du Sénat. Nous n'oublierons pas le sénateur Brown de sitôt.
J'imagine que, dans le temps, quand il s'est servi de son tracteur pour tracer, dans le champ d'orge de son voisin, non loin de l'aéroport de Calgary, les mots « Triple-E or Else » — ou triple E, sinon —, Bert Brown ne se doutait pas que son message sur la réforme du Sénat allait le mener si loin. Après avoir été élu aspirant sénateur en 1998 et en 2004, et été laissé de côté quatre fois en neuf ans malgré le souhait de l'Alberta de voir nommer un sénateur élu, Bert Brown a enfin été nommé au Sénat en 2007 par l'actuel premier ministre, le très honorable Stephen Harper. Outre la nomination du sénateur Fortier en 2006, celle de M. Brown est la seule que le premier ministre ait faite au Sénat entre février 2006 et janvier 2009. Le sénateur Brown est toujours demeuré fidèle à ses convictions et a porté l'important message de la nécessité de réformer le Sénat aux quatre coins du pays. Il quitte maintenant le Sénat en sachant qu'il a grandement contribué à ce débat.
Je suis convaincue que le sénateur Brown est enchanté que deux autres sénateurs choisis par ceux qu'ils représentent se soient joints à lui dans notre enceinte : il s'agit de la sénatrice Betty Unger, nommée l'année dernière, et du sénateur Doug Black, arrivé le mois dernier seulement. Ces deux personnes continueront de défendre vigoureusement non seulement les intérêts des Albertains, mais aussi l'engagement du gouvernement à réformer le Sénat afin que celui-ci atteigne son plein potentiel en tant qu'institution démocratique au service de la population. En fait, avec le récent renvoi par le gouvernement du projet de réforme du Sénat à la Cour suprême du Canada, ce sera la première fois en l'espace d'une génération que la Cour suprême envisagera le processus de modification de la Constitution pour la réforme du Sénat.
Dans l'exercice de ses fonctions, Bert Brown a contribué au travail du Sénat et de ses comités, en particulier de ceux dont il faisait récemment partie, le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, où son expérience en tant qu'agriculteur à la retraite, ses connaissances en génie et sa capacité de piloter un avion lui ont sans doute été fort utiles.
(1340 )
Honorables sénateurs, au nom de tous les sénateurs conservateurs, je souhaite mes meilleurs vœux au sénateur Brown ainsi qu'à sa femme, Alice, que j'ai connue avant même de connaître Bert puisqu'elle était membre du Conseil sur la situation de la femme. J'y siégeais déjà au moment où elle a été nommée par le gouvernement. Elle est à la tribune; j'en suis ravie.
Je suis convaincue que Bert et Alice poursuivront leurs millions de projets. Je soupçonne que Bert ne prendra pas sa retraite mais continuera de promouvoir une réforme importante du Sénat, une campagne incessante qu'Alice a souvent décrite comme la magnifique obsession de Bert.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je me joins à la sénatrice LeBreton pour rendre hommage à notre collègue et ami, le sénateur Bert Brown, alors qu'il s'apprête à quitter cet endroit. Au XVIIIe siècle, les Anglais ont connu un célèbre architecte-paysagiste nommé Lancelot « Capability » Brown. Ici au Canada, nous avons Bert « Determination » Brown. Comme son homonyme, il est devenu célèbre pour un certain chef d'œuvre de paysagement qu'il a un jour réalisé. Par une belle journée d'automne de 1984, Bert et quelques amis agriculteurs sont montés sur leurs tracteurs et se sont dirigés vers le champ d'orge d'un voisin pour y labourer 19 lettres mesurant, d'après
les comptes rendus des médias, 500 pieds de large et s'étalant sur une distance de deux milles : « Triple-E Senate or Else », ou « Un Sénat triple E, sinon... »
J'espère certainement qu'ils ont demandé la permission du voisin au préalable.
Honorables sénateurs, les nombreux Canadiens qui connaissent le sénateur Brown doutent peut-être qu'il soit du genre branché sur les médias sociaux, mais cet événement était digne d'une vidéo YouTube avant même que YouTube existe.. Le message a eu un effet viral, comme on dirait aujourd'hui. Une chose est sûre, il a motivé de nombreux Canadiens désireux d'améliorer les institutions parlementaires et, tout particulièrement, notre Chambre.
Honorables sénateurs, nous avons beau ne pas tous être d'accord sur tout ce que propose le sénateur Brown pour réformer le Sénat, je crois que nous décidons, tous autant que lui, rendre cette institution aussi efficace que possible.
Nous ne sommes pas tous du même avis sur le meilleur moyen de concrétiser cet objectif ou sur la démarche constitutionnelle qui engendrera une véritable réforme du Sénat, durable et positive. Cela dit, l'enthousiasme ne nous fait jamais défaut. C'est important, surtout lorsqu'un sujet paraît aride. Or, Bert a manifestement de l'enthousiasme à revendre. Le sénateur Brown et moi avons souvent débattu de la réforme du Sénat, en privé aussi bien qu'en public, et j'ai toujours été sensible à sa loyauté absolue envers le Canada et à sa volonté profonde d'améliorer notre institution. Il quitte notre enceinte, mais je suis convaincu et j'espère qu'il ne quittera pas le domaine du débat à saveur sénatoriale.
Peut-être serait-il pertinent d'avertir ses voisins lorsqu'il retournera dans sa ferme, en Alberta, car ils auront intérêt à faire attention à ce qu'ils feront pousser dans les champs adjacents à sa maison.
Je subodore que le sénateur Brown est un peu déchiré, ces jours-ci, et qu'il hésite à quitter cet endroit, sur lequel il a canalisé son énergie et son attention pendant tant d'années, tout en se réjouissant de rentrer en Alberta avec sa chère épouse, Alice. Je sais qu'elle a eu quelques problèmes de santé récemment, alors je suis certain que ce sera pour eux un soulagement que de pouvoir se poser pour de bon, éviter les éprouvants déplacements d'un bout à l'autre du pays et, peut-être, aller se réchauffer un peu sous un ciel plus clément que celui de l'Alberta ou d'Ottawa.
Au nom de tous les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre, je souhaite au sénateur Brown et à son épouse une longue et heureuse retraite, ensemble et en santé.
L'honorable Betty Unger : Honorables sénateurs, je suis aussi très heureuse d'intervenir aujourd'hui pour rendre hommage à notre collègue, le sénateur Bert Brown, de l'Alberta, à l'occasion de son départ à la retraite.
Que l'on songe à l'époque où il s'est servi de son tracteur pour tracer dans le champ de son voisin les mots « Un Sénat triple E, sinon... » ou à des projets plus sérieux, comme les fonctions de conseiller spécial auprès du premier ministre de l'Alberta pendant les négociations sur l'accord de Charlottetown de 1992, le sénateur Brown a toujours été étroitement lié au milieu politique albertain. Au fil de plusieurs décennies d'engagement, il a été reconnu comme étant l'auteur d'une réforme du Sénat suivant le modèle du triple E.
Il a été nommé au Sénat par le premier ministre Harper le 10 juillet 2007, devenant ainsi le deuxième sénateur dans l'histoire canadienne à avoir été élu. Quand je l'ai rencontré pour la première fois lors de la campagne électorale de 1998, j'ai tout de suite remarqué que cette cause lui tenait énormément à cœur. En tant que sénatrice également élue, j'ai été très fière d'assister à sa cérémonie d'assermentation au Sénat.
Outre son vif intérêt pour la chose politique, le sénateur Brown a connu une carrière longue et variée. Je pourrais en dire plus à ce propos, mais, d'abord et avant tout, je dois souligner qu'il est le mari aimant d'Alice, qui a toujours été à ses côtés, et le père dévoué d'Angie.
Le sénateur Bert Brown a servi ses électeurs albertains de façon admirable, et sa retraite est pleinement méritée. Toutefois, son départ survient à un moment où l'on scrute comme jamais auparavant les lacunes du Sénat sur le plan démocratique. Nous saluons les efforts déployés par le gouvernement conservateur, dirigé par le premier ministre Stephen Harper, dans le but de réformer cette institution au moyen de mesures législatives et d'un renvoi à la Cour suprême.
Je suis fière de porter le flambeau en tant que troisième sénatrice élue dans l'histoire du Canada, après Bert Brown et le regretté Stan Waters. J'ai bien hâte de travailler avec mes collègues albertains élus, ainsi qu'avec les nombreux autres sénateurs qui sont conscients du rôle crucial que joue le Sénat dans notre système bicaméral et qui reconnaissent qu'il est essentiel de réformer la Chambre haute, non seulement pour rétablir et maintenir la légitimité de cette institution, mais aussi pour la protéger contre les menaces d'abolition.
En ce sens, nous sommes tous les héritiers du sénateur Brown et du sénateur Waters. Nous leur sommes tous redevables de l'œuvre de pionnier qu'ils ont faite au chapitre de la réforme et nous avons tous le devoir de la poursuivre pour garantir aux futures générations de Canadiens une démocratie parlementaire juste, efficace et transparente.
Sénateur Brown, je vous souhaite, à vous et à Alice, une très longue et heureuse retraite.
Remerciements
L'honorable Bert Brown : Honorables sénateurs, je prends la parole pour la dernière fois au sujet de la réforme du Sénat en cette magnifique enceinte. J'ai eu le privilège d'assister à la réunion du caucus ce matin et j'ai été très touché lorsque ses 300 membres se sont levés et m'ont complimenté en me serrant la main. Ils m'ont même donné un fauteuil rouge, exactement pareil à ceux-ci. Il est dans la suite du Président et on y a apposé une plaque. Il ne me reste qu'à trouver un moyen de le rapporter chez moi, à 1 800 milles d'ici.
Quoi qu'il en soit, je ne devrais pas parler trop longtemps. Je suis plutôt déçu, après 29 ans de discussions avec plusieurs premiers ministres provinciaux et plusieurs entretiens avec des premiers ministres fédéraux, nous en sommes toujours au même point. Le Comité pour un Sénat triple E, égal, élu et efficace, était un peu une obsession chez moi. Lorsque le Comité pour un Sénat élu, égal et efficace a été créé en Alberta, dans la circonscription de la députée provinciale Connie Osterman, j'en ai été élu président. Je voulais aider les agriculteurs à se faire entendre par le gouvernement du Canada.
Au début, c'était un comité albertain qui avait pour mandat de faire la promotion d'un Sénat élu, égal et efficace. Ce comité, qui a duré moins d'un an, se composait de gens de quatre provinces, des médecins, des avocats, des universitaires et des députés provinciaux et les premier ministres Harcourt, Getty, Devine et Filman.
L'idée d'un Sénat triple E a pris une dimension nationale en moins d'un an.
(1350)
L'Alberta a créé un comité spécial qui avait pour mandat de se pencher sur la question de la réforme sénatoriale et sur ce qui se faisaient dans les provinces et à l'étranger. De 1983 à 1992, le milieu universitaire s'est grandement intéressé à la question, ce qui a entraîné le déploiement d'efforts pour modifier la Constitution afin de réformer le Sénat et pour faire participer les Canadiens ordinaires. Au fur et à mesure que des groupes d'intérêt se joignaient aux discussions, plusieurs causes se sont greffées à l'idée de réformer le Sénat, notamment la défense des intérêts des autochtones, des femmes, du Québec, et j'en passe. Au moment où l'on a demandé à tous les Canadiens de se prononcer, bien des groupes avaient déjà fait part de leurs idées et de leurs souhaits pendant les discussions qui avaient été tenues à Halifax, à Montréal, à Toronto, à Calgary et à Vancouver.
Les premiers ministres des provinces se sont réunis à Ottawa pendant un certain nombre de jours pour planifier la réforme du Sénat. Il avait été convenu que les provinces seraient représentées par un nombre égal de sénateurs. Les premiers ministres se sont rendus à Charlottetown pour discuter des pouvoirs qu'aurait un Sénat élu. Le premier ministre Mulroney avait exercé des pressions sur ses homologues provinciaux afin que le nouveau Sénat n'ait aucun pouvoir et qu'il agisse à titre de Chambre de discussions.
Lorsque le vote sur la modification constitutionnelle proposée à Charlottetown a eu lieu, les divers groupes avaient présenté tellement de demandes que les Canadiens ont été abasourdis par l'éventail des décisions qu'ils devaient prendre. Voilà pourquoi neuf des 10 provinces ont voté contre la modification constitutionnelle prévue par l'accord de Charlottetown. Le peuple s'était prononcé.
Au moins deux modifications ponctuelles ont été apportées à la Constitution canadienne. L'une d'entre elles portait sur l'importance du français et de l'anglais au Québec, et l'autre, sur la séparation des écoles catholiques et protestantes à Terre-Neuve-et-Labrador.
Diverses propositions ayant été présentées lorsque j'ai été élu, à deux reprises, par les Albertains et nommé par le premier ministre, ce dernier a suggéré que je prenne le pouls de chaque premier ministre provincial.
Quand j'ai entrepris mes premiers déplacements dans les provinces, il y avait 19 sénateurs conservateurs, 80 sénateurs libéraux en face et cinq sénateurs indépendants. Les libéraux ont eu alors l'occasion d'appuyer le concept d'un Sénat élu. Lorsque le premier ministre a rencontré un groupe formé des plus anciens sénateurs, il leur a dit qu'il voulait, à l'avenir, que les sénateurs soient élus et que leur mandat soit limité. Les libéraux et les conservateurs ont répliqué qu'un mandat de huit ans était trop court et qu'ils pourraient accepter un mandat de 12 ans.
Le premier ministre Harper a respecté sa parole et n'a nommé aucun sénateur qui n'avait pas été élu au préalable par sa province. Après quelques années, il y avait 18 postes vacants et des élections n'avaient eu lieu dans aucune province, sauf en Alberta. Un sénateur libéral a proposé une motion pour obliger M. Harper à nommer des sénateurs afin de combler ces 18 postes. C'est ce que le premier ministre a fait.
Peu de provinces tenaient à tenir des élections tel que proposé. Pendant la troisième année des discussions que j'ai eues avec les premiers ministres provinciaux, quatre nouveaux premiers ministres ont été élus à la suite d'élections provinciales.
Cinq provinces voudraient élire leurs futurs sénateurs. La pierre d'achoppement est double : la durée du mandat, et qui payera les élections, les provinces ou le gouvernement fédéral? Jusqu'à maintenant, l'Alberta a défrayé les coûts des élections sénatoriales en vertu d'une loi qui est un modèle pour les autres provinces. La loi provinciale n'impose pas les aspirants sénateurs au premier ministre en poste. L'Alberta a tenu quatre élections pour choisir des sénateurs et le premier ministre a choisi ceux qui avaient obtenu le plus grand nombre de voix.
Le seul moyen d'apporter une modification à la Constitution visant à fixer le nombre de sièges au Sénat et à déterminer les pouvoirs de ce dernier est d'obtenir l'assentiment de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population.
Certaines provinces ont soutenu que le fait d'élire les sénateurs à partir d'une liste de candidats pourrait faire l'objet d'une contestation en vertu de la Constitution. Jusqu'à maintenant, chaque fois que le Québec a menacé de contester, le premier ministre a demandé à la Cour suprême du Canada de se prononcer sur l'élection de candidats provinciaux au Sénat ou la limitation de la durée du mandat, ou encore l'abolition du Sénat. Certains affirment que la cour pourrait rendre une décision dans trois mois comme dans trois ans. J'espère que la cour rendra une décision d'ici trois mois.
Honorables sénateurs, à mon avis — et il vaut ce qu'il vaut —, la Cour suprême devrait opter pour des élections avec possibilité de trois mandats de quatre ans, pour une durée maximale de 12 ans, au lieu de la nomination de sénateurs qui demeurent en poste jusqu'à leur 75e anniversaire, ce qui permet à une personne de 35 ans d'occuper son poste de façon continue pendant 40 ans.
Pour ce qui est de l'élection de sénateurs dans les provinces, je vais citer un extrait des Lois constitutionnelles de 1867 à 1982, qui commence à la première ligne de la page 7, sous « Représentation des provinces au Sénat » :
22. En ce qui concerne la composition du Sénat, le Canada sera censé comprendre quatre divisions :
1. Ontario;
2. Québec;
3. les provinces Maritimes — la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick — ainsi que l'Île-du-Prince-Édouard;
4. les provinces de l'Ouest : le Manitoba, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et l'Alberta;
les quatre divisions doivent (subordonnément aux révisions de la présente loi) être également représentées dans le Sénat, ainsi qu'il suit : — Ontario par vingt-quatre sénateurs; Québec par vingt-quatre sénateurs; les Provinces maritimes et l'Île-du-Prince-Édouard par vingt-quatre sénateurs, dont dix représentent la Nouvelle-Écosse, dix le Nouveau-Brunswick, et quatre l'Île-du-Prince-Édouard; les Provinces de l'Ouest par vingt-quatre sénateurs, dont six représentent le Manitoba, six la Colombie-Britannique, six la Saskatchewan et six l'Alberta; la province de Terre-Neuve aura droit d'être représentée au Sénat par six sénateurs; le territoire du Yukon, les territoires du Nord-Ouest et le territoire du Nunavut ont le droit d'être représentés au Sénat par un sénateur chacun.
Ce que je pense, moi, de la possibilité qu'on procède carrément à l'abolition du Sénat, c'est qu'il est une des cinq principales institutions du gouvernement canadien. Ces cinq institutions sont les suivantes : la Chambre des communes, le Sénat, la Cour suprême, la Banque du Canada et le Trésor.
Le Canada est une démocratie, que le dictionnaire définit de la façon suivante :
1. a) gouvernement par le peuple; notamment, règle de la majorité.
b) organisation politique où la souveraineté appartient à l'ensemble des citoyens, qui l'exerce directement ou indirectement, par le biais d'un système de représentation comportant généralement des élections libres tenues périodiquement.
L'histoire de notre nation nous fournit les arguments les plus convaincants pour un Sénat élu, égal et efficace. Je vais donner aux honorables sénateurs des exemples qui illustrent très clairement cette affirmation.
Nous avons vu un certain nombre de premiers ministres user de leur pouvoir afin de gouverner certaines régions du pays tout en ignorant les autres provinces. C'est le système de partis qui cause ce phénomène.
Pensons par exemple au premier ministre qui a imposé la loi martiale au Canada lorsqu'un terroriste a enlevé et assassiné un homme dans une province. Le premier ministre Trudeau a rabroué les provinces des Prairies en leur disant : « Pourquoi devrais-je vendre vos céréales? » Trudeau a aussi imposé une taxe nationale sur l'exportation du pétrole albertain, ce qui a causé de graves pressions financières en Alberta et en Saskatchewan. Le système partisan a permis au Parti libéral d'imposer aux producteurs céréaliers des Prairies une loi qui, pendant des décennies, a forcé les agriculteurs de l'Ouest à vendre leurs récoltes sur un seul marché, ce qui les a empêchés d'obtenir le meilleur prix possible. Au fil des années, cette mesure a coûté littéralement des milliards de dollars aux agriculteurs.
Un autre premier ministre avait promis de régler les problèmes du système de santé national au Canada. Il a convoqué tous les premiers ministres provinciaux et leur a demandé de soumettre leurs idées. Avant qu'ils ne puissent le faire, il leur a dit que sa proposition était à prendre ou à laisser, et il a quitté la salle.
(1400)
Lorsqu'un fou a tué 16 jeunes femmes au Québec avec un fusil mitrailleur, le gouvernement de l'époque a fait adopter la loi sur le registre des armes à feu, qui a coûté quelques milliards de dollars au pays et qui a été imposée pendant des décennies.
Le premier ministre Diefenbaker a détruit le joyau de l'aviation au Manitoba en abolissant le programme Arrow d'Avro et en vendant une partie des renseignements aux États-Unis.
Honorables sénateurs, le véritable but d'un Sénat élu consiste à accorder un certain pouvoir aux provinces par l'intermédiaire de votes qui peuvent empêcher le chef d'un parti — nommé par une poignée de provinces — de faire adopter des lois ou des règlements extrêmement préjudiciables qui nuiraient à l'ensemble des provinces. Le Sénat réformé pourrait comporter un nombre équivalent de sénateurs de chaque province, car toutes les provinces ont des assemblées législatives qui adoptent des lois ou des règlements répondant à leurs propres besoins et reconnaissant les droits de chaque province.
Voici un exemple des réalisations du Sénat : après que le premier ministre Mulroney eut imposé la TPS de 11 p. 100, des Canadiens de partout au pays se sont indignés et ont déclaré à leurs députés qu'il fallait ramener la TPS à 9 p. 100. Les gens n'étaient pas satisfaits. Les sénateurs ont fait de l'obstruction systématique et ramené la TPS à 7 p. 100. Voilà ce que des sénateurs élus pourraient faire chaque fois qu'un premier ministre se prendrait pour un dictateur, à la condition, bien entendu, d'obtenir les voix nécessaires pour représenter leur province respective.
Les provinces n'ont pas encore réalisé qu'elles ne disposent pas des pouvoirs constitutionnels nécessaires pour imposer des modifications aux projets de loi qui sont proposés à la Chambre des communes. Les provinces ont besoin que les futurs sénateurs qui les représenteront soient élus afin de disposer des pouvoirs nécessaires pour influer sur les futurs premiers ministres. Lorsque les provinces sont mises de côté, comme ce fut le cas pour le Manitoba lorsque M. Mulroney a transféré les usines et les postes d'entretien et de réparation dans une autre province, cela peut avoir pour conséquence la création d'un nouveau parti, en l'occurrence cette fois-là le Parti réformiste.
Aujourd'hui, dans la région de l'Atlantique, trois provinces songent à fusionner leur assemblée législative respective pour ne plus en avoir qu'une seule. Ce n'est pas parce que les assemblées en question coûtaient cher que ces provinces ont perdu de la richesse et que leurs industries les ont désertées, c'est parce que les anciens gouvernements n'ont pas tenu compte de leurs besoins et ont eux-mêmes déménagé telle ou telle industrie pour plaire aux autres provinces. Résultat : le développement commercial et industriel s'est lentement mis à décliner, et les provinces atlantiques ont été négligées.
Il faut que le Sénat, une fois réformé, soit efficace, non pas pour mettre des bâtons dans les roues du gouvernement de l'heure, mais plutôt pour faire valoir les besoins des provinces dans l'éventualité où un projet de loi risquerait de leur causer du tort. Pour modifier ou faire avorter un projet de loi, il faudrait qu'une majorité de sénateurs, provenant d'au moins sept des 10 provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population se prononce en faveur.
Si cela arrivait, le gouvernement n'en serait pas paralysé pour autant, puisque la Chambre des communes n'aurait alors qu'à modifier les dispositions qui posent problème ou à laisser le projet de loi mourir au Feuilleton. Il ne s'agirait aucunement d'un vote de confiance.
Le Nouveau Parti démocratique voudrait abolir le Sénat. Primo, c'est impossible, et secundo, nous nous retrouverions alors à vivre sous la dictature d'un seul parti, sans que l'on puisse faire quoi que ce soit contre les projets de loi qui pourraient causer du tort à une portion appréciable du pays. Le NPD change d'ailleurs de discours selon la province où se trouve celui qui parle.
Depuis une trentaine d'années, les tenants d'une réforme du Sénat se font entendre. Quand l'idée a vu le jour dans les Prairies, des référendums — sans valeur juridique aucune — ont été proposés. À l'époque où il a beaucoup été question de la réforme du Sénat, tous les sondages menés par Angus Reid disaient que de 70 à 75 p. 100 des Canadiens voulaient que les sénateurs soient élus. Ils souhaitaient également que leur mandat soit de durée déterminée.
Depuis les débuts de la Confédération, les Canadiens veulent réformer le Sénat. Le premier ministre Harper est le premier chef de notre gouvernement à dire haut et fort qu'il souhaite que les sénateurs soient élus et que leur mandat soit de durée déterminée. Il a soumis une série de questions à la Cour suprême. On me dit que cela pourrait prendre trois mois comme trois ans avant que cette dernière rende une décision. J'espère que ce sera plus tôt que plus tard. Selon les rumeurs, elle pourrait se prononcer dès novembre de cette année.
Angus Reid ne nous a jamais demandé d'argent en contrepartie des sondages effectués par la société. Nous savons combien de Canadiens souhaitent élire leurs sénateurs directement. Nous avons même dressé un tableau illustrant leur proportion. À Terre-Neuve, 414 779 personnes ont voté aux dernières élections. Puisque 75 p. 100 des habitants de la province souhaitent élire leurs sénateurs, on peut estimer à 311 084 le nombre d'électeurs potentiels. Je pourrais citer les chiffres dans chacune des provinces et chacun des territoires, mais je ne le ferai pas.
Je vais quand même parler de l'Alberta, qui vient de tenir des élections. Le jour du scrutin, 2 509 390 voix ont été exprimées. À l'époque, 77 p. 100 des habitants étaient en faveur de l'élection des sénateurs. Compte tenu du nombre d'Albertains qui se sont présentés aux urnes lors des élections provinciales, le nombre d'électeurs dans la province s'élèverait à 1 932 230. Voilà qui montre que les gens souhaitent élire leurs sénateurs et qu'ils se voteraient en grand nombre s'ils en avaient la possibilité. Doug Black a reçu 400 000 voix la dernière fois et Scott Tannis en a reçu plus de 358 000.
Le tableau contient les chiffres pour chacune des provinces du pays. J'ai des copies pour les sénateurs que cela pourrait intéresser.
Les gens de chez Angus Reid sont entrés en contact avec nous il y a quelques années au sujet des sondages et nous ont dit qu'ils coûteraient plusieurs milliers de dollars. Nous leur avons répondu que nous n'avions pas d'argent à mettre là-dedans. Six mois plus tard, la société a commencé à effectuer des sondages et elle continue d'en faire.
J'aimerais remercier tous les sénateurs. Ce fut un plaisir de travailler avec chacun d'entre eux. Je reconnais que nous avons parfois des divergences d'opinions et que tout nouveau sénateur aura ses propres opinions, mais je crois que nos délibérations sont un excellent exercice de démocratie. Personne n'a encore essayé de me tirer dessus. Personne n'a pris la...
Le sénateur Mercer : Dieu merci pour le contrôle des armes à feu!
Le sénateur Brown : Peut-être est-ce pour cela que j'ai décidé de quitter; je crains qu'on n'ait recours à la violence.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier tout particulièrement Son Honneur. J'aimerais également remercier madame le leader de notre parti au Sénat, notamment pour les belles paroles qu'elle a eues. J'aimerais aussi remercier le whip, qui prend toujours des coups quoi qu'il arrive. Enfin, j'aimerais remercier mon épouse.
C'est tout ce que j'ai à dire.
Des voix : Bravo!
(1410)
[Français]
La Journée internationale de la Francophonie
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, en cette Journée internationale de la Francophonie, nous nous joignons à près de 10 millions de Canadiens et plus de 200 millions de francophones répartis dans 75 États dans le monde, heureux d'exprimer leur identité francophone qui se manifeste dans toutes les sphères de notre société.
La francophonie au Canada a forgé notre histoire de génération en génération tout en évoluant. Elle est de plus en plus diversifiée et occupe sa place dans notre économie, notre travail, nos écoles, nos institutions, nos communautés et notre univers numérique.
La Journée internationale de la Francophonie nous rappelle que la francophonie est bien plus qu'un patrimoine fondé par l'histoire, mais qu'elle est également une culture et un quotidien vécus par des milliers de personnes qu'il faut souligner. Chose certaine, la francophonie canadienne permet de bâtir une société riche et ouverte sur le monde.
Les gens de ma génération, et bien des pionniers auparavant, ont transmis l'importance du français. Ils ont gagné et participé à des luttes pour l'épanouissement de leurs communautés, tout en exprimant une culture de défense de la langue. À la suite de changements démographiques et sociaux, à l'intégration de plus en plus grande d'immigrants francophones, à l'engagement de la jeunesse francophone, aux partenariats qui se renforcent, nous développons de plus en plus une attitude de mise en évidence des attraits et des avantages que peut offrir la francophonie au Canada et ce, sur tous les plans.
L'apprentissage du français est davantage valorisé dans notre société. Occuper de hautes fonctions dans nos institutions publiques et privées exige de plus en plus la connaissance du français. Le fait de multiplier les échanges élargit chaque jour notre espace francophone. Par exemple, lors de la visite officielle du premier ministre de la France, M. Jean-Marc Ayrault, au Canada la semaine dernière, des partenariats d'exception entre la France et le Canada ont été conclus pour promouvoir nos valeurs communes dans les domaines scientifique, économique, universitaire et culturel.
Cette année, au Canada, la 15e édition des « Rendez-vous de la Francophonie » se déroule du 8 au 24 mars. Diverses manifestations culturelles ont lieu partout au pays. En Alberta, par exemple, 23 cérémonies de levée du drapeau franco-albertain ont eu lieu dans 21 communautés.
Honorables sénateurs et sénatrices, souhaitons que la francophonie canadienne continue de s'affirmer avec vigueur et conviction aux niveaux national et international. Bonne Journée internationale de la Francophonie!
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui également à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie. Célébrée partout dans le monde depuis 1990, la Journée internationale de la Francophonie nous permet de souligner notre attachement à la langue française, qui est parlée par près de 10 millions de personnes au Canada et par 220 millions de personnes dans le monde.
Le français a le statut de langue officielle dans 32 États et gouvernements de la Francophonie. Au-delà de l'histoire et de la culture que nous partageons, les francophones du Canada tout entier, notamment les Acadiens, les Québécois, les Manitobains de Saint-Boniface et tous les autres francophones et francophiles, profitent également de cette journée spéciale pour célébrer les valeurs de paix, de démocratie et de respect des droits de la personne qui unissent les membres de l'Organisation internationale de la Francophonie.
Honorables sénateurs, le français est une composante essentielle de notre histoire et de notre patrimoine canadien. Il importe de renforcer sans relâche les relations entre les communautés francophones du Canada, différentes à plusieurs points de vue, mais unies dans l'amour et le respect de la langue française. Le français est un atout indispensable pour l'avenir de nos jeunes, ceux qui seront chargés de maintenir et de promouvoir le français dans chacune des provinces, voire à travers le monde.
Le Canada joue un rôle vital au sein de la francophonie. Notre participation reflète la dualité linguistique de notre pays et notre attachement aux valeurs partagées dans l'espace francophone. Nous avons été l'un des premiers pays à promouvoir la francophonie en participant activement à la création et à l'épanouissement de ces nombreuses institutions.
En juillet dernier, le Canada a accueilli le tout premier Forum mondial de la langue française, à Québec, et la Rencontre internationale de la Francophonie économique qui s'est tenue en marge de ce forum. Le gouvernement canadien est le deuxième plus important bailleur de fonds après la France, avec une contribution d'environ 40 millions de dollars par année destinée à l'Organisation internationale de la Francophonie ainsi qu'aux institutions francophones.
Par ailleurs, le Canada a été l'hôte du deuxième sommet des chefs d'État et de gouvernements des pays ayant le français en partage, à Québec, en 1987, du huitième, tenu à Moncton en 1999, et du douzième, tenu à Québec en 2008, année du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec, l'une des plus vieilles villes des Amériques.
Honorables sénateurs, nous reconnaissons que les communautés francophones du monde entier contribuent directement à la prospérité et à la croissance économique. Le gouvernement continuera de soutenir le développement et le renforcement de la francophonie économique. Merci, et bonne journée à tous les francophones.
[Traduction]
Le Nord canadien
Les ressources naturelles et le transfert de responsabilités
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, l'un des faits marquants de l'histoire du Canada est l'évolution des vastes régions du Nord de notre pays, qui sont devenues des territoires dotés de l'autonomie gouvernementale et d'une économie reposant principalement sur l'exploitation des ressources naturelles. Par exemple, le programme d'établissement des voies d'accès aux ressources mis en œuvre par le premier ministre Diefenbaker en 1958 marqua le commencement d'un effort soutenu pour bâtir les infrastructures nécessaires en vue de libérer le potentiel que renferment les ressources naturelles du Nord.
En 1979, le gouvernement conservateur du premier ministre Clark a décidé que le commissaire du Yukon relèverait désormais du Cabinet du Yukon, ce qui en fit, par le fait même, le premier gouvernement responsable de ce territoire.
Le gouvernement Mulroney a joué un rôle important pour que puisse être conclu, en 1993, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, point de départ de la création du territoire et du gouvernement du Nunavut, le 1er avril 1999.
L'ère Mulroney a également donné lieu au transfert de la Commission d'énergie du Nord canadien ainsi que de la compétence en matière de santé au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
Ces réalisations dont nous pouvons être fiers sont attribuables au Parti conservateur et aux gouvernements conservateurs successifs, tous fermement convaincus que les gens des territoires du Nord du pays devraient se gouverner eux-mêmes avec un gouvernement autonome. Ils devraient prendre eux-mêmes les décisions concernant la gestion et l'exploitation de leurs ressources naturelles.
Le 11 mars, le premier ministre Harper s'est inscrit dans cette tradition de bâtisseurs du pays lorsqu'il a annoncé, à Yellowknife, que les négociateurs s'étaient entendus sur les conditions du transfert de la responsabilité de la gestion des terres et des ressources naturelles, qui appartenait au gouvernement du Canada et qui appartiendra désormais au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
Voici ce qu'a déclaré le premier ministre :
Notre gouvernement reconnaît que les habitants du Nord sont les mieux placés pour prendre les décisions importantes concernant la gestion de leur économie et la façon de maximiser l'utilisation de leurs ressources. Lorsqu'elle sera finalisée, cette entente historique donnera aux Territoires du Nord-Ouest davantage de pouvoir de décision à l'égard d'une vaste gamme de nouvelles responsabilités, ce qui favorisera la création d'emplois, la croissance et la prospérité à long terme dans l'ensemble du Territoire.
Une fois que le transfert aura été effectué, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest sera responsable de la gestion des zones terrestres et de l'octroi des droits et des titres relatifs au pétrole, au gaz et aux minerais terrestres. Ce transfert donnera également au territoire le pouvoir de percevoir et de partager les recettes tirées de ses ressources naturelles. Une fois de plus, le premier ministre Harper a démontré la volonté de notre gouvernement de mettre en œuvre la Stratégie pour le Nord du Canada, dont l'un des quatre piliers est le renforcement de la gouvernance dans le Nord.
Je souligne que cette stratégie s'applique aussi au Nunavut, où un mandat est en cours d'élaboration pour que commencent des négociations sur un transfert de responsabilités, ainsi qu'au Yukon, où les gouvernements fédéral et territorial ont convenu de réviser l'entente de partage des recettes conclue en 2001.
Honorables sénateurs, les réalisations du gouvernement conservateur, sources de fierté, contrastent avec le comportement des gouvernements fédéraux libéraux, qui, pendant des décennies, ont traité les territoires du Nord comme des colonies et les ressources du Nord comme une mine d'or exclusivement fédérale.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
La Commission canadienne des droits de la personne
Dépôt du rapport annuel de 2012
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, conformément à l'article 61 de la Loi sur les droits de la personne et à l'article 32 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, le rapport annuel de 2012 de la Commission canadienne des droits de la personne.
(1420)
Le Budget principal des dépenses de 2012-2013
Le Budget principal des dépenses—Dépôt du dix-septième rapport du Comité des finances nationales
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, portant sur les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2013.
(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
L'étude de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité (blanchiment d'argent) et le financement des activités terroristes
Présentation du dixième rapport du Comité des banques et du commerce
L'honorable Irving Gerstein : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dixième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Suivre l'argent à la trace : le Canada progresse-t-il dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes? Pas vraiment.
C'est ainsi que se conclut l'étude de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité (blanchiment d'argent) et le financement des activités terroristes, entreprise par le comité le 1er février 2012 sous la présidence de mon prédécesseur, l'honorable Michael Meighen.
(Sur la motion du sénateur Gerstein, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les finances
Les taux d'intérêt des banques
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur un sujet qui est certainement d'intérêt général; elle arrive surtout au bon moment. Après que la Banque de Montréal eut baissé son taux hypothécaire de cinq ans à 2,99 p. 100, on a vu la Financière Manuvie l'abaisser à 2,84 p. 100. On connaît les risques d'une guerre des taux d'intérêt dans une période de fort endettement des Canadiens. Toutefois, le ministre des Finances a réagi, chaque fois, par un appel téléphonique aux banques, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de ses fonctionnaires.
Je note au passage que le gouvernement sait intervenir dans l'économie pour empêcher les taux d'intérêt des banques d'augmenter, mais semble ne pas savoir comment intervenir pour empêcher ces mêmes banques de spéculer, de placer leurs capitaux dans les paradis fiscaux et de créer des crises telles que celle qui affecte les Canadiens aujourd'hui, soit leur endettement colossal.
Je note également que le ministre libertarien de la petite entreprise et du tourisme s'oppose à l'intervention de son collègue, le ministre des Finances — enfin, il y en a un qui parle.
Ma question est la suivante : les politiques du gouvernement en matière de contrôle de la dette des ménages se résumeraient-elles à des appels téléphoniques aux banques et à la création d'un cartel à l'initiative du ministre des Finances? Je précise qu'un cartel, c'est lorsque des entreprises s'entendent pour fixer un prix. Maintenant, cela se fait sur l'initiative du ministre des Finances, qui appelle les banques pour leur dire : « Vous allez tous facturer le même montant. » Cela ressemble beaucoup à un cartel.
Ou bien Madame le leader plaidera-t-elle plutôt dans son caucus que le « free for all » du libertarien Maxime Bernier devrait primer dans un gouvernement conservateur?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Comme nous le savons, honorables sénateurs, au Canada, le gouvernement fédéral — ce qui signifie bien sûr les contribuables — garantit certains prêts hypothécaires à risque. Afin de protéger l'argent des contribuables, nous devons donc nous assurer que les banques suivent des lignes directrices prudentes.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, tout cela se fait dans le contexte, comme on l'a déjà mentionné, du mandat de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Vous savez que j'ai toujours des doutes, depuis le dernier budget, sur la politique du gouvernement, qui pourrait un jour se départir de cette responsabilité en vendant ses dettes à des entreprises privées.
En revanche, je constate que l'endettement du pays sous ce gouvernement, soit plus de 600 milliards de dollars actuellement, augmente parallèlement à l'endettement des ménages, et que la seule recette que propose le gouvernement consiste à faire des compressions. Celles-ci pourraient bien miner le pouvoir d'achat des Canadiens et creuser un peu plus leur endettement. Donc, dans la perspective du budget qui sera déposé demain, on ne voit pas trop comment on va s'en sortir, surtout que la croissance du pays sera sous les 2 p. 100, selon les experts et es analystes de la Banque Royale.
Madame le leader peut-elle nous dire si, après sept ans au pouvoir, avec un si mauvais bilan au niveau de la dette publique et de la dette des Canadiens, il existe un plan d'action économique — celui que je vois et entends à la télévision à peu près tous les jours — pour relancer l'économie, autre que celui qui ne fonctionne pas et qui coûte énormément cher en termes d'annonces à la télévision?
[Traduction]
La sénatrice LeBreton : Il est clair que le gouvernement a pris de nombreuses mesures afin que les familles puissent davantage économiser en devenant propriétaires de leur demeure. Notons aussi que non seulement le ministre des Finances, mais aussi le gouverneur de la Banque du Canada, encouragent les Canadiens à ne pas s'endetter davantage. C'est dans cette optique que nous avons limité la durée des prêts hypothécaires soutenus par les contribuables, ce qui permettra aux familles d'épargner 150 000 $ pendant la durée totale d'une hypothèque typique de 350 000 $. Les mesures que nous prenons à l'égard des prêts hypothécaires soutenus par les contribuables sont bénéfiques pour le Canada et les familles canadiennes et, plus important encore, elles sont équitables envers les contribuables.
Notre bilan économique est solide, comme le confirment les organismes monétaires internationaux qui, l'un après l'autre, reconnaissent le Canada comme un leader mondial sur le plan économique.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Nous allons continuer notre petit examen de l'économie. La ministre a dit que le gouvernement avait réduit de 40 à 25 ans la période de temps allouée pour rembourser une hypothèque, et je dois dire que c'est une proposition que j'ai faite au Sénat à plusieurs reprises lorsqu'on constatait l'activité frénétique des emprunts hypothécaires qui se faisaient dans des conditions incroyables. Qui plus est, on n'exigeait à peu près pas de paiement initial — down payment, en anglais —, ce qui faisait qu'on pouvait acheter une maison sans argent, à un taux d'intérêt très bas déterminé par la Banque du Canada, justement à cause du malaise économique. La ministre a raison : ce sont les Canadiens qui, à l'heure actuelle, assurent les prêts dont les banques encaissent les profits.
Je pose donc la question à madame le leader : peut-être le ministre des Finances, au lieu de téléphoner aux banquiers, pourrait-il commencer à réviser sa politique générale concernant les emprunts et concernant la Société canadienne d'hypothèques et de logement. C'est lui qui établit les politiques. Il ne s'agit pas de téléphoner à des banques et à des banquiers, mais d'avoir une politique qui se tient, de savoir que les gens qui achètent une maison donneront un dépôt raisonnable — et je suggère que le dépôt ne soit jamais sous les 10 p. 100.
Il fut un temps où on n'avait pas à avancer un sou, où il y avait un montant symbolique. À l'heure actuelle, dans les journaux on nous dit que, si on téléphone à notre banque et qu'on dit : « Voici le plus bas taux, je suis prêt à emprunter pour moins que 2,99 p. 100 », les gens vont être d'accord.
Certes, il y a le marché, mais qui prend le risque? Ce ne sont pas les banques; elles empochent les profits. C'est le gouvernement qui prend le risque. Je pose donc la question, honorables sénateurs : que fera le gouvernement de madame le leader dans son Plan d'action économique au cours des semaines et des mois à venir pour s'assurer qu'on ne tombe pas dans le même panneau que les Américains?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : La sénatrice vient de confirmer ce que j'ai dit moi-même, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral, donc les contribuables, garantit les prêts hypothécaires à risque.
En ce qui concerne le prochain budget, le Plan d'action économique de 2013, j'inviterais la sénatrice à patienter encore 24 heures environ.
L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, est-il pratique courante qu'un fonctionnaire du ministre des Finances téléphone à une institution financière et lui dise qu'elle doit augmenter les taux hypothécaires qu'elle offre aux contribuables canadiens?
La sénatrice LeBreton : C'est une question très intéressante. En fait, je me souviens que, à l'époque du gouvernement Trudeau, je payais pour mon hypothèque un taux de 17,5 p. 100.
(1430)
Une voix : Quand cela?
La sénatrice LeBreton : C'était sous le gouvernement Trudeau.
Je vais répéter ce que j'ai dit à la sénatrice Hervieux-Payette. Au Canada, c'est le gouvernement fédéral, donc tous les contribuables, qui soutiennent certaines hypothèques plus risquées. Pour le bien des Canadiens, nous devons faire en sorte que les banques suivent des lignes directrices fondamentales axées sur la prudence afin de protéger l'argent des contribuables. Comme l'a dit hier le ministre des Finances, nous ne voulons pas niveler par le bas, et nous avons vu les graves dommages que le problème du marché immobilier a causés à l'économie dans d'autres pays.
Les affaires étrangères
La messe inaugurale du pape François—La liste des invités officiels
L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat, mais, avant de la poser, je dois admettre que, hier, lorsque je lui ai posé une question sur la liste des invités qui ont assisté à la messe inaugurale du pape, qui s'est déroulée hier, j'ai semblé supposer que le gouvernement avait omis d'inviter un libéral.
On dit qu'un grand homme doit faire des erreurs. Je crois qu'un homme de taille plus modeste peut admettre une erreur, alors c'est ce que je ferai, moins en raison de ma taille que de mon honnêteté. J'ai fait une erreur, puisque le gouvernement a effectivement invité Francis Scarpaleggia.
Les sénateurs d'en face sont en état de choc. Je vois le sénateur Brown assis dans le fauteuil du Président. Quoi qu'il en soit, Francis Scarpaleggia, membre de notre caucus, a effectivement été invité par le gouvernement, a pris l'avion et a vu le pape; voilà qui est bien. Je sais que le sénateur Doyle était également présent, et que son nom figurait sur la liste. Je suppose qu'il est dommage qu'il n'y ait pas eu de sénateur libéral, mais je m'éloigne du sujet.
Comme devraient le faire plus souvent les médias et les politiciens, je présente mes excuses pour cette erreur. Je vais passer à autre chose.
La sécurité publique
L'Agence des services frontaliers du Canada—L'émission de télévision
L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, la fin de semaine dernière, nous avons appris que le ministère de la Sécurité publique, Vic Toews, avait lui-même approuvé la controversée émission de téléréalité Border Security. Cette émission, comme certains d'entre vous le savent, est produite par Force Four Entertainment pour Shaw Media. L'équipe de tournage accompagne le personnel de l'Agence des services frontaliers du Canada à l'aéroport international de Vancouver et aux postes frontaliers terrestres de la vallée du Bas-Fraser en Colombie-Britannique. Il est important de noter que Force Four Entertainment et Shaw Media sont toutes deux des sociétés à but lucratif. Dans le document approuvé par le ministre Toews et obtenu par CBC/Radio-Canada, il est écrit que « même si le gouvernement ne participe pas financièrement au projet, il assume des coûts opérationnels en lien avec le film, les tournages, le montage et le compte rendu ». Dans la proposition, on souligne que « le fardeau financier est insignifiant ».
À combien s'élève ce fardeau financier? Combien puise-t-on dans les fonds publics pour subventionner Force Four Entertainment et Shaw Media?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur d'avoir reconnu qu'il avait commis une erreur, hier, lorsqu'il a affirmé que le gouvernement n'avait pas offert de siège dans l'avion aux membres de l'opposition; je lui en sais gré.
Puisque le sénateur Brown occupe le fauteuil, comme l'a souligné le sénateur Munson, j'en profite — avant de répondre à la question du sénateur Munson — pour rectifier les propos qu'a tenus le sénateur Brown au sujet du très honorable John G. Diefenbaker et de l'Avro Arrow.
Je garde ce document et j'en parle régulièrement à mes collègues qui, bien entendu, croient tous à cette histoire révisionniste. Il s'agit d'un article publié dans le Globe and Mail, mais j'ai bien sûr d'autres documents en ma possession. En 2007, l'année du 50e anniversaire de l'élection du gouvernement Diefenbaker, le Globe and Mail a publié un article rédigé par un historien. Je vais citer cet article dans lequel on parle de l'élection de M. Diefenbaker.
Lorsque les conservateurs ont été élus en 1957, ils ont dû faire face à des difficultés considérables, dont une récession économique sans précédent, pour laquelle aucun plan de relance n'avait été mis en œuvre, des hauts fonctionnaires fidèles au Parti libéral, un gouverneur de la Banque du Canada aux idées inusitées et de difficiles décisions à prendre qui avaient été remises à plus tard (par exemple, l'annulation du projet Avro Arrow). Pour couronner le tout, les conservateurs n'avaient absolument aucune expérience du gouvernement.
En fait, le gouvernement Saint-Laurent avait déjà décidé d'annuler le projet Avro Arrow, ce qui a été prouvé, mais l'annulation avait été laissée en suspens. Lorsque le gouvernement Diefenbaker a été porté au pouvoir en 1957, il a dû se débrouiller avec cette décision difficile. La seule erreur qu'il a faite, c'est de ne pas mettre rapidement en œuvre la politique du gouvernement précédent, ce qui a laissé planer l'espoir que le projet Avro Arrow allait survivre. Ce sont les faits historiques.
Pour ce qui est de l'émission de téléréalité, elle présente la réalité quotidienne d'agents de première ligne de l'Agence des services frontaliers du Canada. Le ministre Toews a déclaré qu'on n'y dévoilait jamais l'identité des gens et leurs renseignements personnels. J'ai appris que la plupart des épisodes montrent des agents des services frontaliers qui empêchent des criminels d'entrer au Canada. On s'attend à ce que l'Agence des services frontaliers du Canada applique les lois canadiennes et veille à la sécurité des honnêtes citoyens.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Le sénateur Brown, qui est le Président suppléant, ne devrait-il pas déclarer que madame le leader du gouvernement au Sénat a tort de corriger, dans le cadre de la période des questions, une observation qu'a faite le sénateur à la fin de son discours de clôture? Le Président suppléant pourrait-il rendre une décision à cet égard?
L'honorable Bert Brown (Son Honneur le Président suppléant) : J'allais m'excuser auprès de madame le leader.
Je crois que j'étais censé donner la parole à la sénatrice Callbeck.
Le sénateur Munson : J'ai des questions supplémentaires à ce sujet. La réalité, au Sénat, c'est que la téléréalité est impossible car il n'y a pas de télé, ce qui est dommage.
Selon la proposition approuvée par le ministre Toews, « l'ASFC bénéficierait de facto des pouvoirs de chef de production » grâce à ses activités de sécurité à la frontière. Je ne comprends pas. Dans le jargon télévisuel, cela signifie avoir son mot à dire au sujet du contenu créatif et de la trame d'un projet. Récemment, une descente menée par des agents de l'immigration à Vancouver — un événement assez sérieux quand même — a été filmée pour les besoins de la série, ce qui a provoqué un tollé parmi la population. Un peu plus tôt aujourd'hui, on constatait que près de 20 000 personnes avaient déjà signé une pétition en ligne exigeant que la série Border Security soit retirée des ondes.
Honorables sénateurs, nous sommes au Canada, pas aux États-Unis. Comme un document approuvé par le ministre précise que l'ASFC ne signera pas d'entente à long terme et se réserve le droit de réévaluer sa participation en tout temps, la leader peut-elle dire aux sénateurs si, à la lumière de la récente levée de boucliers, l'ASFC compte procéder à une réévaluation et retirer son soutien à Border Security? Est-ce que la leader juge approprié que le gouvernement agisse à titre de chef de production d'une série dont la trame repose sur l'exploitation de personnes vulnérables ayant de graves démêlés avec les services d'immigration, comme on a pu le voir à la télévision?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je ne crois pas que le gouvernement agisse en tant que chef de production, et le sénateur le sait très bien. Je ne puis que répéter ce que j'ai dit dans ma première réponse. La majorité des épisodes présentent des agents de première ligne de l'Agence des services frontaliers du Canada qui empêchent des criminels d'entrer au Canada, et nous nous attendons bien entendu à ce que l'ASFC fasse respecter les lois canadiennes.
Le sénateur Munson : Selon le portail de l'émission Border Security du site web du National Geographic Channel, « Force Four Entertainment a obtenu un accès exclusif au monde hautement sécurisé de l'Agence des services frontaliers du Canada ». Je doute qu'un sénateur puisse obtenir un tel accès. Cela soulève de graves questions concernant le discernement du ministre.
À quels documents hautement confidentiels ou zones secrètes cette société de production a-t-elle accès? Compte tenu de son bilan inégalé en matière de condamnations en vertu de la Loi sur le financement des campagnes électorales du Manitoba et des accusations qu'il a portées contre les opposants à la loi dite de l'accès légal, le projet de loi C-30, à savoir qu'ils appuient les pédopornographes, le ministre doit probablement se demander s'il survivra au remaniement ministériel qui devrait avoir lieu cet été.
C'est plutôt ironique. Il arrive que les bouffonneries du gouvernement conservateur soient dignes d'une téléréalité, et voilà qu'il en produit une.
La sénatrice LeBreton : Si j'en juge par la question plutôt originale du sénateur, il doit être à la recherche d'un emploi de scénariste.
(1440)
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'ai regardé cette émission où une famille a été arrêtée et où deux enfants mineurs étaient détenus par des agents des services frontaliers. Ces gens n'étaient pas des criminels. Il est possible qu'ils fassent l'objet de poursuites et que le tribunal détermine qu'ils sont des criminels, mais ils étaient seulement en garde à vue.
Madame le leader a affirmé que c'était une bonne idée de filmer les criminels. Cependant, les personnes arrêtées ne sont pas nécessairement des criminels. Le travail des agents est d'arrêter les gens qu'ils soupçonnent d'être des criminels, puis de laisser la justice suivre son cours.
En ce qui concerne la famille que j'ai vue dans l'émission, mon expérience avec les enfants soldats me pousse à croire qu'il y a sûrement des lois qui interdisent de filmer des mineurs dans des situations où la justice pourrait intervenir.
Madame le leader pourrait-elle dire aux sénateurs qui vérifie le contenu de l'émission? Qui s'assure que les droits de la personne, la Charte et les aspects légaux sont respectés avant la diffusion de l'émission?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, pour être franche, je ne regarde pas cette émission. Je crois que je l'ai vue une fois quand j'essayais de trouver quelque chose d'intéressant à regarder à la télévision, ce qui est difficile de nos jours, à l'exception des occasions où l'équipe du sénateur Demers ou les Sénateurs d'Ottawa gagnent un match de hockey.
Comme le ministre l'a affirmé, il est de la plus haute importance de protéger la vie privée des gens. Je ne sais pas quelles dispositions l'Agence des services frontaliers du Canada a prises pour faire produire ces téléréalités sur son travail, mais j'obtiendrai des renseignements à ce sujet et je les fournirai par écrit au sénateur Dallaire.
L'honorable Jane Cordy : La sénatrice pourrait-elle répondre à la question du sénateur Munson sur le coût pour les contribuables canadiens?
La sénatrice LeBreton : Je remercie la sénatrice de sa question. Je l'ajouterai à la demande d'une réponse écrite.
La petite entreprise et le tourisme
La Commission canadienne du tourisme
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat. L'un des principaux organismes touristiques du Canada trace un sombre tableau de l'industrie touristique, une industrie qui emploie directement 603 400 personnes et dont l'activité économique totale a généré 78,8 milliards de dollars en 2011.
Selon Kevin Desjardins, qui est membre du Conseil consultatif du tourisme du Canada, le nombre de visiteurs étrangers au Canada est en baisse constante, car de plus en plus de gens choisissent de visiter les États-Unis plutôt que le Canada. Il a dit ceci :
Nous perdons des parts de marché [...] nous laissons passer des occasions de générer des revenus.
Il ajoute que cela nuit à l'économie.
À l'heure où l'industrie touristique canadienne est en crise, le gouvernement réduit le budget de commercialisation et de vente de la Commission canadienne du tourisme de 13 millions de dollars dans le Budget principal des dépenses. Pourquoi le gouvernement tourne-t-il le dos à l'industrie touristique et aux centaines de milliers de Canadiens qui travaillent dans ce secteur?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, tout d'abord, le gouvernement ne tourne pas le dos à l'industrie touristique. Il existe de nombreux exemples d'augmentation de l'achalandage touristique. Nous le voyons d'ailleurs ici même, à Ottawa.
Comme nous le savons, tous les ministères se livrent à un exercice de budgétisation. On leur a demandé de réaliser des économies au sein de leur ministère afin d'atteindre les objectifs de réduction des dépenses. Chaque ministère a suggéré au gouvernement des secteurs où il pensait pouvoir réaliser des économies sans nuire aux services gouvernementaux. La majorité des changements ont été apportés à l'interne. Il n'a jamais été question de nuire à la prestation des services ou, dans le cas du tourisme, j'en suis convaincue, à l'objectif premier d'attirer davantage de touristes au Canada.
Je n'ai pas pris connaissance des données les plus récentes et je ne connais pas bien l'organisme que la sénatrice cite, mais je n'ai eu connaissance d'aucune donnée indiquant que l'industrie touristique est dans la situation désespérée décrite par la sénatrice Callbeck.
La sénatrice Callbeck : Le tourisme est une industrie importante dans ma province et le Conseil consultatif sur le tourisme de l'Île-du-Prince-Édouard a dû revoir son objectif quinquennal de revenus après une chute des revenus prévus au cours des deux dernières années. Le gouvernement fédéral ne comprend vraiment pas l'importance du tourisme. C'est une industrie qui contribue davantage au PIB du Canada que les secteurs de l'agriculture, de la foresterie et des pêches pris ensemble. Cependant, le financement octroyé à la Commission canadienne du tourisme subit un déclin constant, passant de 82 millions de dollars en 2011-2012 à 72 millions de dollars pour 2012-2013, selon le budget des dépenses à ce jour, puis à 57,8 millions de dollars selon le Budget principal des dépenses de 2013-2014. Cela représente une diminution d'environ 30 p. 100. Ce secteur emploie indirectement 1,6 million de Canadiens, ce qui représente 9,2 p. 100 de tous les emplois au Canada.
Le gouvernement va-t-il abandonner cette tendance dangereuse et annuler les compressions qui touchent le budget des ventes et de la commercialisation de la Commission canadienne du tourisme et investira-t-il de nouveau dans une industrie qui est absolument essentielle pour l'économie canadienne?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, le fait est que nous nous trouvons, depuis un certain temps déjà, en plein ralentissement économique mondial. La situation économique d'autres pays a visiblement une incidence sur la capacité des habitants de ces pays à voyager à l'étranger et à prendre des vacances, ce que bien des gens ne font pas.
Comme je l'ai signalé il y a un instant, le gouvernement a demandé à tous les ministères d'analyser leur fonctionnement afin de déterminer où ils pouvaient faire des coupes pour économiser de l'argent. Comme les sénateurs le savent, la moitié de chaque dollar est destinée à divers programmes d'aide sociale.
On a demandé à tous les ministères de se serrer la ceinture et chacun est revenu à la table pour indiquer où il pensait pouvoir réaliser des économies. Je suis convaincue que ce fut le cas de la Commission canadienne du tourisme, mais cela ne devrait aucunement empêcher celle-ci, pas plus que les gouvernements provinciaux ou le secteur privé, de continuer à promouvoir le Canada et les divers sites et endroits intéressants que nous avons à offrir. Rien ne dit qu'ils ne continueront pas à faire la promotion du Canada.
Les effets de la conjoncture économique mondiale se sont certainement fait sentir. Le cas de l'Île-du-Prince-Édouard en est un bon exemple. Cette province accueille de nombreux touristes japonais. Or, le tsunami et le tremblement de terre qui ont frappé le Japon ont provoqué un important recul du tourisme japonais aux États-Unis et au Canada.
Je dirai à la sénatrice Callbeck que le nombre de touristes et de personnes qui choisissent de venir au Canada dépend beaucoup plus de ce qui se passe dans les autres pays que des compressions budgétaires à la Commission canadienne du tourisme.
[Français]
Réponse différée à une question orale
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénatrice Charette-Poulin, les 6 et 7 février 2013, concernant le directeur parlementaire du budget.
La Bibliothèque du Parlement
Le directeur parlementaire du budget—Le mandat—Le processus de sélection
(Réponse aux questions posées les 6 et 7 février 2013 par l'honorable Marie-P. Charette-Poulin)
Le 7 mars 2013, la Bibliothèque du Parlement affichait l'avis de poste et les critères de sélection du prochain directeur parlementaire du budget (DPB).
Les étapes menant à l'embauche du DPB ressemblent à celles du mode de recrutement suivi pour les autres postes dotés par le gouverneur en conseil : annonce du poste à combler et demande de candidats compétents; évaluation du mérite relatif et désignation des candidats les plus aptes à combler le poste; enfin, présentation des noms recommandés au gouverneur en conseil pour étude.
Tel qu'énoncé dans la Loi sur le Parlement du Canada, le bibliothécaire parlementaire voit à la constitution d'un comité qu'il préside et qui propose le nom de trois candidats au poste de DPB au leader du gouvernement à la Chambre des communes, qui transmet la liste au gouverneur en conseil pour étude.
Conformément à la Loi, la Bibliothèque du Parlement a lancé une campagne nationale de recrutement afin de combler le poste de DPB. L'avis de poste et les critères de sélection sont affichés sur le site de la Bibliothèque du Parlement : http ://www.parl.gc.ca/EmploymentOpportunities/Details.aspx? Institution=3&Language=F.
On a mené des consultations auprès de nombreux intervenants, y compris le président des comités parlementaires que le DPB appuie par ses travaux. Les résultats des consultations feront en sorte que l'on prenne en considération les diverses perspectives politiques au cours de la procédure de sélection.
La date de l'entrée en fonction du nouveau DPB repose sur divers facteurs comme la durée de la campagne de recrutement et de l'évaluation des candidats. Entre-temps, la bibliothécaire parlementaire, Sonia L'Heureux, occupera le poste de DPB à compter du 25 mars 2013, et ce jusqu'à ce que le prochain directeur parlementaire du budget soit nommé.
(1450)
[Traduction]
Décision de la présidence
Son Honneur le Président : Le jeudi 14 février, le sénateur Tardif a invoqué le Règlement pour s'opposer à une déclaration faite plus tôt durant la séance par le sénateur Boisvenu. Selon le leader adjoint de l'opposition, la déclaration du sénateur Boisvenu contrevenait aux dispositions de l'article 4-2(6) du Règlement, qui prévoit que « les déclarations ne sont pas sujettes à débat ». Le sénateur Tardif a demandé l'avis de la présidence sur la teneur et l'utilisation correctes des déclarations.
[Français]
Dans les interventions qui ont suivi, celles des sénateurs Carignan et Cowan, il est apparu clairement qu'il y a au moins deux points de vue différents sur la nature des déclarations. D'après le sénateur Carignan, l'objet de l'article 4-2(6) consiste à interdire la tenue de tout débat sur une déclaration, que tous s'entendent ou non sur le point de vue exprimé dans la déclaration. Par ailleurs, selon le sénateur Cowan, la teneur de la déclaration devrait jouer un rôle dans la détermination de la question de savoir si le sujet abordé dans la déclaration est recevable ou s'il devrait être présenté sous forme d'interpellation ou de motion.
[Traduction]
Je tiens à remercier les sénateurs d'avoir soulevé la question. J'ai songé à la possibilité que la présidence apporte des précisions, comme l'ont demandé le sénateur Tardif et d'autres.
Il y a eu un certain nombre de décisions là-dessus ces dernières années, et il semble y avoir un peu de confusion quant à l'application du Règlement. En fait, l'ordre du jour quotidien comprend une période réservée aux déclarations de sénateurs depuis 1991. Les dispositions régissant les déclarations sont restées essentiellement inchangées, même après la refonte récente du Règlement du Sénat. Les critères utilisés pour déterminer si la teneur d'une déclaration est recevable ne sont pas particulièrement restrictifs. La seule restriction claire, c'est que l'objet de la déclaration ne doit pas être lié à un article à l'ordre du jour. C'est ce que prévoit l'article 4-2(5)b) du Règlement. Cet article et l'article 4-2(5)a) stipulent également que les déclarations doivent porter sur des questions d'intérêt public qui, selon le sénateur, méritent d'être portées à l'attention immédiate du Sénat. Ce qu'il faut entendre par « attention immédiate » est parfois difficile à déterminer de façon précise. L'article 4-2(5)b) ajoute une disposition en vertu de laquelle tout sénateur peut saisir le Sénat d'une question au moyen d'une déclaration si c'est le seul moyen par lequel il peut le faire. Comme le sénateur Cowan l'a souligné, l'objet d'une déclaration pourrait être présenté sous forme de motion ou d'interpellation. Cela permettrait certes la tenue d'un débat sur la question, mais il reste que cela requerrait la présentation d'un préavis d'un ou de deux jours. Si la question est urgente, pareil délai pourrait être inacceptable.
[Français]
Tel qu'il est maintenant libellé, le Règlement ne donne aucune indication au Président lui permettant de déterminer si l'objet d'une déclaration est d'une nature telle que le seul moyen dont dispose le sénateur pour le porter à l'attention immédiate du Sénat est une déclaration. Je ne pense pas non plus que le Sénat veuille que le Président exerce pareil pouvoir. Il vaut mieux laisser ce soin au jugement des sénateurs individuels et du Sénat tout entier. S'il faut modifier le Règlement relativement aux déclarations de sénateurs, le mieux placé pour le faire est le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Ce comité peut, au moyen d'un rapport, recommander au Sénat tout changement permettant de clarifier les critères sur lesquels se fonder pour apporter d'autres restrictions à la teneur des déclarations. Il incomberait ensuite au Sénat d'accepter ou de rejeter les recommandations relatives aux dispositions concernant les déclarations de sénateurs.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : premièrement, le comité plénier, deuxièmement, la motion no 62 et troisièmement, les autres points tels qu'ils apparaissent au Feuilleton.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vais maintenant quitter le fauteuil afin que le Sénat puisse se former en comité plénier. Il entendra alors Graham Fraser relativement à sa nomination au poste de commissaire aux langues officielles. Nous allons faire une brève pause pour préparer la salle.
Le commissaire aux langues officielles
Graham Fraser—Réception en comité plénier
L'ordre du jour appelle :
Le Sénat en comité plénier afin de recevoir M. Graham Fraser relativement à sa nomination au poste de commissaire aux langues officielles.
(Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable sénateur Comeau.)
Le président : Honorables sénateurs, l'article 12-32(3)b) du Règlement décrit les règles de procédure s'appliquant au comité plénier. Je rappelle par ailleurs que, selon la version révisée du Règlement, « un sénateur n'est ni obligé à se lever quand il prend la parole, ni contraint à rester à la place qui lui est attribuée ».
Honorables sénateurs, le comité plénier se réunit, conformément à l'ordre adopté hier par le Sénat, pour entendre M. Graham Fraser relativement à sa nomination au poste de commissaire aux langues officielles. Conformément à cet ordre, sa comparution durera au plus une heure.
[Français]
J'invite maintenant le témoin à entrer.
Honorables sénateurs, le Sénat s'est formé en comité plénier pour entendre M. Graham Fraser concernant sa nomination à titre de commissaire aux langues officielles.
Monsieur Fraser, je vous remercie d'être parmi nous et je vous invite à faire vos remarques introductives, qui seront suivies des questions des sénateurs.
Bienvenue, monsieur Fraser.
[Traduction]
Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles du Canada : Merci, monsieur le président. Bon après-midi, honorables sénateurs, mesdames et messieurs.
Je vous remercie d'étudier le certificat de nomination en vue de la prolongation de mon mandat en tant que commissaire aux langues officielles. Les six dernières années ont été marquées d'événements importants, parmi lesquels figurent les rencontres régulières avec les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles. J'espère que vous m'accorderez le privilège de poursuivre cette relation pour encore trois années.
[Français]
Je tiens à souligner le dévouement et le professionnalisme de la direction et des employés du commissariat tout au long des dernières années.
Vous avez d'ailleurs appris à connaître certains membres de mon comité exécutif qui m'accompagnent habituellement dans le cadre de mes rendez-vous avec le Comité sénatorial permanent des langues officielles et les autres comités.
[Traduction]
Cependant, aujourd'hui, il n'y a que vous et moi — tout comme à notre rencontre en 2006, qui avait pour objet de confirmer ma candidature en tant que commissaire. Vous vous souviendrez que j'avais alors répété la question posée par la Commission Laurendeau-Dunton il y a 50 ans cette année.
[Français]
Les Canadiens anglais et les Canadiens français peuvent-ils vivre ensemble et le souhaitent-ils? Si la réponse à cette question demeure positive, il est essentiel de mettre en œuvre une politique sur les langues officielles axée sur les résultats.
[Traduction]
Le gouvernement doit continuer à faire des choix et poser des gestes qui auront comme résultats : de permettre aux citoyens d'obtenir des services bilingues; de permettre aux fonctionnaires de travailler dans la langue de leur choix; de permettre aux communautés de langue officielle de contribuer pleinement à la société canadienne; de permettre aux gens de toutes les régions d'apprendre les deux langues officielles du Canada.
(1500)
[Français]
On me juge également sur les résultats que j'obtiens, en tant qu'administrateur général. Les citoyens qui déposent des plaintes s'attendent à une résolution efficace, dans des délais raisonnables. Nos interventions auprès des institutions fédérales doivent être judicieuses et amener des changements durables.
[Traduction]
Nos partenaires au sein des communautés de langue officielle et des groupes de promotion du bilinguisme comptent sur notre appui. Nos campagnes de promotion doivent toucher leur public. De plus, l'organisation doit être bien gérée, dans le respect de ceux qui y travaillent et du public qui la finance.
[Français]
Le commissariat continuera de se moderniser. Nous poursuivons la mise en œuvre de nouveaux systèmes de gestion de l'information grâce auxquels les citoyens peuvent maintenant porter plainte en ligne. Nous sommes désormais présents sur les médias sociaux comme Facebook et Twitter.
[Traduction]
Nous disposons maintenant d'un processus de plaintes facilité par lequel transitent plus de 60 p. 100 des plaintes que nous recevons. De plus, nous serons bientôt sous le même toit qu'Élections Canada, le Commissariat à la protection de la vie privée et le Commissariat à l'information. Le fait que nous soyons à proximité d'autres mandataires du Parlement renforcera notre indépendance et nous permettra de partager ultérieurement certains services.
[Français]
Ces changements administratifs permettront au commissariat de relever les défis qui l'attendent avec plus d'efficacité. Je pense non seulement au programme qui, je l'espère, succèdera à la Feuille de route pour la dualité linguistique, mais également aux nombreux anniversaires et événements importants à venir au cours desquels la dualité linguistique canadienne jouera un rôle de premier plan.
[Traduction]
Mon personnel a travaillé de près avec les organisateurs des Jeux du Canada de 2013 à Sherbrooke, au Québec, et collabore déjà avec ceux des Jeux panaméricains de 2015, à Toronto, pour faire en sorte que nous mettions en œuvre les leçons apprises à l'occasion des Jeux olympiques de 2010 à Vancouver.
[Français]
Les célébrations qui entoureront le 150e anniversaire de la Confédération, en 2017, incluront l'inauguration du nouveau Musée canadien de l'histoire et seront précédés de nombreux événements commémoratifs, notamment ceux liés aux deux guerres mondiales ainsi qu'au 200e anniversaire de naissance de John A. Macdonald. Ces anniversaires constituent la toile de fond d'une conversation nationale sur notre histoire commune et nos valeurs.
[Traduction]
Nous nous devons de souligner ces moments historiques, tout en reconnaissant qu'ils étaient à l'époque une source de débats amers et polarisants. Il serait contre-productif de chercher à camoufler les désaccords, car on en ressent des échos encore aujourd'hui.
[Français]
Depuis son élection, le gouvernement du Parti québécois s'inquiète des forces qui mettent en danger le statut du français. Ces dangers sont bien réels. Dans le milieu de la recherche, du commerce international et des grands divertissements, la domination de l'anglais réduit souvent l'espace d'expression dont disposent les francophones, mais ces dangers ne viennent ni des communautés d'expression anglaise du Québec ni des institutions fédérales. C'est un message que je continuerai de véhiculer.
[Traduction]
Ce n'est qu'un aperçu du travail qui attend le commissariat et le gouvernement fédéral au cours des prochaines années. Également à l'agenda, nous retrouvons la vitalité des communautés de langue officielle; les enjeux liés à l'immigration, qui est le passé, le présent et l'avenir de notre pays; l'accès à la justice dans les deux langues officielles; et la nécessité absolue d'améliorer l'accès à l'apprentissage du français.
Nous devons aussi garder à l'œil les changements au sein de la fonction publique, tant du point de vue des services que du point de vue de la langue de travail et de l'appui aux communautés de langue officielle.
[Français]
Le commissariat abordera ces questions sous quatre grandes priorités. La première est d'assurer la promotion de la dualité linguistique dans la société canadienne, notamment en incitant le gouvernement à jouer un rôle plus visible et à améliorer l'accès à l'apprentissage de la langue seconde. La deuxième est de veiller à la protection des droits linguistiques, notamment en surveillant l'impact des compressions budgétaires et de l'application des données du recensement de 2011 sur la désignation linguistique des bureaux fédéraux, tout en continuant à surveiller la performance des institutions fédérales.
[Traduction]
La troisième est de favoriser la vitalité des communautés de langue officielle, plus particulièrement en ce qui a trait à l'immigration, et la quatrième est de veiller à la saine gestion du commissariat dans une période de changements.
Pour atteindre ses objectifs, le commissariat continuera de recourir à tous les moyens d'intervention dont il dispose : le travail avec les parlementaires, les études, les vérifications, les enquêtes, les rencontres avec les dirigeants d'institution, les initiatives de promotion et d'information et, bien entendu, les recours judiciaires.
[Français]
Nous poursuivrons également notre travail auprès des institutions fédérales, des minorités et des majorités, tout en offrant nos conseils dans les domaines de la santé et de l'éducation, dans le secteur privé et dans les médias, au besoin.
Avec votre permission, je continuerai donc à encourager et à déranger.
Je vous remercie de votre attention. J'aimerais maintenant prendre le temps qu'il me reste pour répondre à vos questions.
Le président : Merci à vous, monsieur Fraser. Nous allons maintenant passer à la période des questions. J'ai sur ma liste les sénateurs Chaput, Mockler, Tardif, Kinsella, Nolin, Carignan, et il y en aura sûrement d'autres, dont le sénateur Joyal.
J'inviterais la sénatrice Chaput à commencer.
La sénatrice Chaput : Bonjour et bienvenue, monsieur Fraser. C'est toujours un plaisir de vous revoir, et encore plus aujourd'hui puisque le but de ce comité plénier est de confirmer votre candidature à titre de commissaire.
Je tiens tout d'abord à remercier et féliciter le gouvernement fédéral d'avoir recommandé la prolongation de votre mandat en tant que commissaire aux langues officielles. C'est un geste fort apprécié.
Je tiens à vous remercier, monsieur Fraser, d'avoir accepté de considérer cette prolongation. Ce sont de très grandes responsabilités, comme vous le savez, et un travail très ardu, mais qui contribue à la dualité linguistique et à l'unité de notre pays. Je vous remercie donc de considérer ce poste encore une fois.
J'ai écouté attentivement votre allocution, et me suis arrêtée aux paroles suivantes. Vous avez dit qu'il était essentiel de mettre en œuvre une politique sur les langues officielles axée sur les résultats. Vous l'avez mentionné il y a six ans, et vous dites que vous y croyez encore. Je me suis arrêtée sur ces paroles car à mon avis, monsieur Fraser, nous croyons tous en une politique axée sur les résultats. C'est ce qui fait la différence entre une réussite et un échec.
Je crois sincèrement aussi que les anglophones et les francophones du Canada souhaitent et peuvent vivre ensemble. Toutefois, une meilleure compréhension de nos réalités particulières contribue à cette harmonie et à cette unité, et le travail que vous faites y contribue sûrement.
Ma question est donc la suivante. Vous étiez en poste lorsque la première Feuille de route de ce gouvernement a été lancée, en 2008. Vous avez donc eu le bénéfice de la suivre du début à la fin. Vous avez expliqué, lors de l'évaluation de cette Feuille de route, que le gouvernement en a fait la pierre angulaire de son action pour appuyer le développement des communautés de langue officielle et promouvoir la dualité linguistique au Canada. Vous avez ensuite rappelé que seulement 14 institutions fédérales étaient engagées dans la Feuille de route, alors que la partie VII de la Loi sur les langues officielles s'applique à toutes les institutions fédérales. Vous avez recommandé, pour la prochaine Feuille de route, d'élargir sa portée afin d'inclure toutes les institutions fédérales.
Monsieur Fraser, voyez-vous la Feuille de route comme un programme d'appoint à la partie VII? Quelle distinction faites-vous entre les objectifs de la Feuille de route et les autres obligations du gouvernement en matière de disponibilité des services et de communications dans les deux langues officielles? J'aimerais avoir des précisions à cet égard.
M. Fraser : Merci beaucoup de vos commentaires, madame la sénatrice. Avant de répondre à votre question, j'aimerais souligner à quel point j'apprécie la collaboration qu'on a pu établir avec le Comité sénatorial permanent des langues officielles et le travail que vous faites. Vous avez produit des rapports extrêmement importants, que j'apprécie beaucoup. La collaboration que nous avons établie a été fructueuse.
Je répondrai maintenant à votre question. À mon avis, la Feuille de route fut essentiellement développée en fonction de la partie VII. Pour ceux et celles qui n'étaient pas ici à l'époque, en 2005, le Parlement a voté pour renforcer la partie VII de la loi, pour faire en sorte qu'il y ait une obligation de toute institution fédérale de prendre des mesures positives pour l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
(1510)
Il y a donc une reconnaissance formelle des obligations de toute institution fédérale d'établir les relations et de prendre des mesures positives.
Cela a été tout un cheminement de reconnaître l'importance de cette obligation, parce que ce n'est pas défini dans la loi ce qu'est une mesure positive. Donc, il y avait tout un processus d'apprentissage pour plusieurs institutions et il y avait une certaine réaction de certaines institutions qui pensaient que, parce qu'elles faisaient partie des institutions auxquelles la Feuille de route a été appliquée, la partie VII ne s'appliquait pas à eux. Ce n'est pas vrai. Toute institution fédérale a cette obligation, mais ce qui est important dans la Feuille de route, c'est que ce sont des programmes qui ont été mis en œuvre pour appuyer, stimuler la vitalité des communautés. On a vu des succès considérables — je pense surtout aux réseaux de santé et d'autres mesures dans le domaine de la justice — simplement en expliquant que respecter les obligations évoquées dans la partie IV de la loi de servir le public dans les deux langues officielles ne représente pas une action suffisante pour être une mesure positive. Le rôle d'expliquer nous appartient, mais il appartient également au Conseil du Trésor et à Patrimoine canadien. Donc, les obligations de la partie VII vont au-delà de cette obligation fondamentale.
Le sénateur Mockler : J'aimerais ajouter mes commentaires. Monsieur Fraser, je vous félicite pour votre premier mandat et d'avoir accepté de continuer. Je vous félicite à la fois pour votre leadership et pour votre sensibilité envers l'exercice de vos responsabilités en tant que commissaire aux langues officielles de notre pays.
J'écoutais attentivement lorsque vous disiez qu'il fallait permettre aux gens de toutes les régions d'apprendre les deux langues officielles. J'aurais trois questions. J'aimerais d'abord faire un constat — c'est une question que je vous ai posée d'ailleurs, le 24 octobre 2011, lorsqu'on parlait de francophones et d'anglophones qui apprenaient une deuxième langue. À ce moment-là, j'avais dit que le premier ministre Stephen Harper était unilingue et qu'il avait appris à parler la deuxième langue. Je vous avais demandé quelle serait la manière de canaliser cela comme étant soi-disant bilingue et quel serait le niveau de bilinguisme. Vous m'avez répondu alors, et je vous cite :
Il n'est pas unilingue du tout, il est très bilingue.
En parlant du premier ministre Stephen Harper.
Est-ce qu'aujourd'hui ces commentaires demeurent encore?
M. Fraser : Absolument, et je ne suis pas du tout le seul à le dire.
Récemment, j'ai entendu la journaliste et analyste Chantal Hébert indiquer que, pour la première fois de l'histoire, on a un premier ministre anglophone qui est plus à l'aise en français que la première ministre du Québec ne l'est en anglais.
Non seulement le premier ministre est bilingue, mais il maîtrise le français avec nuance et précision.
Le sénateur Mockler : La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne de 2008-2013 s'intitulé « Agir pour l'avenir ». En anglais, on dit : « Roadmap for Canada's Linguistic Duality 2008-2013: Acting for the Future ».
Je crois que plusieurs Canadiens et Canadiennes, et il n'y a aucun doute, ce plan a su, d'Est en Ouest, du Nord au Sud, façonner, moderniser et permis de renforcer les communautés linguistiques de notre grand pays. Sans énumérer les différents projets de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne, je n'ai aucun doute que vous allez la suivre de très près comme vous l'avez fait dans votre premier mandat.
Comme vous le savez, le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue au pays et la seule à avoir enchâssé l'égalité des deux communautés linguistiques dans la Constitution canadienne. Que pensez-vous du rôle et de l'influence du Nouveau-Brunswick sur la mosaïque canadienne vis-à-vis la promotion et la protection de nos deux langues officielles?
M. Fraser : Il y a deux éléments. L'enchâssement de l'article 16.1 dans la Charte, qui était une initiative du Nouveau-Brunswick qui est venu à Ottawa négocier de façon bilatérale cette reconnaissance officielle du bilinguisme du Nouveau-Brunswick, était un geste qui reconnaissait non seulement le bilinguisme de la province, mais aussi les droits individuels et collectifs des citoyens du Nouveau-Brunswick. C'était un geste extrêmement important à cet égard. C'est un des points dans la Charte qui reconnaît explicitement les droits collectifs des communautés. En établissant la légalité du statut des communautés anglophones et francophones du Nouveau-Brunswick, on a fait un geste extrêmement important.
Je crois aussi que c'est un élément qui contribue, si je peux dire, à la variété de nos régimes linguistiques au Canada. C'est la seule province officiellement bilingue, il y a également une province qui s'est déclarée officiellement unilingue en français, il y a aussi l'Ontario, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard qui ont une loi les services en français. La loi ontarienne est assez importante en termes de reconnaissance de l'importance d'offrir des services dans les deux langues officielles. Puis, dans les autres provinces, il y a une variété de statuts. Il y a maintenant une cause devant les tribunaux sur le droit du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique de se prévaloir du droit de présenter une cause en français devant les tribunaux de la Colombie-Britannique.
C'est tout un contraste avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick et même au Québec, où ce droit d'être entendu devant les cours de justice en français est évident.
Donc, on a un système vraiment asymétrique vis-à-vis les régimes linguistiques au Canada et, en termes de reconnaissance du bilinguisme, le Nouveau-Brunswick joue un rôle extrêmement important.
Le sénateur Mockler : Je constate, et vous l'aurez sûrement constaté, que le ministre du Patrimoine canadien, l'honorable James Moore, vient de terminer une grande consultation pancanadienne sur la Feuille de route sur les langues officielles que le gouvernement du premier ministre Harper a adoptée en 2008 et qui va prendre fin en 2013.
(1520)
J'espère que le gouvernement du premier ministre Stephen Harper renouvellera cette belle initiative et poursuivra avec un deuxième volet de la Feuille de route. Si c'est bien le cas, comme la Feuille de route sera complétée cette année, que pensez-vous de l'impact de cette initiative du gouvernement sur les communautés linguistiques à statut minoritaire?
Seriez-vous prêt à dire que le renouvellement pour un deuxième volet de la Feuille de route est nécessaire pour poursuivre le développement de secteurs tels ceux de l'immigration, de l'éducation, de la culture, de la justice, ainsi que d'autres?
Le président : Afin de respecter les règles du comité plénier, vous disposez d'environ 40 secondes.
M. Fraser : Merci. Je ne vais pas me répéter; j'ai déjà affirmé l'importance du renouvellement de la Feuille de route. Je crois que c'est extrêmement important et j'attends avec une certaine impatience le budget de demain afin d'y voir un signe avant-coureur de ce renouvellement. En 2008, il n'y en avait pas, mais il y a quand même eu un renouvellement au mois de juin. Ce sont les résultats finaux qui sont importants.
La sénatrice Tardif : J'aimerais vous offrir toutes mes félicitations et vous remercier pour tout votre travail et votre dévouement au cours des six dernières années.
M. Fraser : Merci beaucoup.
La sénatrice Tardif : Vous avez indiqué, lors de vos remarques préliminaires, qu'une partie du travail que vous désirez aborder au cours des six prochaines années concerne le domaine de l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
M. Fraser : Oui.
La sénatrice Tardif : Compte tenu de vos études et de vos observations, pouvez-vous nous en dire davantage sur l'importance de l'accès à la justice en français pour les communautés francophones en situation minoritaire?
M. Fraser : C'est extrêmement important. La Cour suprême l'a souligné dans l'arrêt Beaulac, qui a établi très clairement l'importance de l'accès à la justice pour des causes criminelles.
Nous sommes actuellement à peaufiner une étude sur la capacité linguistique dans les cours fédérales à travers le pays. C'est une étude menée conjointement avec mon homologue du Nouveau-Brunswick, le commissaire Michel Carrier et mon homologue de l'Ontario, François Boileau. Avec la collaboration des juges en chef dans six provinces, nous avons sondé la véritable capacité et les critères utilisés pour établir le fait qu'un juge soit bilingue ou qu'il soit en mesure d'entendre une cause dans les deux langues officielles, ou en français en particulier, mais aussi en anglais au Québec.
J'ai donné un avant-goût de cette étude à la rencontre d'hiver du Barreau canadien à Mont-Tremblant, il y a environ un mois. Nous ferons la présentation finale de ce rapport lors de la rencontre du Barreau canadien à Saskatoon au mois d'août prochain. Le rapport pourra donc, j'espère, mieux répondre à vos questions sur la capacité réelle du système judiciaire.
La sénatrice Tardif : Je suis bien heureuse de savoir que cette étude a été entreprise et qu'il y aura publication des résultats sous peu puisque c'est évidemment une des raisons souvent évoquées quand on parle de nommer des juges bilingues à la Cour suprême, parce qu'on indique que la capacité n'y est pas.
J'aimerais vous entendre à ce sujet car cela touche toute la question de l'importance de l'accès à la justice en français. Deux projets de loi ont été mis de l'avant : l'un portant sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême et un autre sur les compétences linguistiques des agents du Parlement. Pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet?
M. Fraser : J'ai témoigné à plusieurs reprises devant des comités parlementaires de la Chambre des communes et du Sénat sur le projet de loi qui est mort au Feuilleton concernant l'exigence du bilinguisme pour les juges à la Cour suprême. Je continue à penser que c'est un droit extrêmement important que celui d'être entendu par des juges de la Cour suprême dans la langue de choix de l'avocat. Je pense qu'il y a plusieurs raisons, dont le droit justiciable d'être entendu dans la langue de son choix, mais je souligne également que 30 p. 100 des causes entendues en appel au sein des provinces proviennent du Québec. Ce sont des causes qui ont été plaidées en français et la documentation est donc uniquement en français. Un juge qui n'est pas capable de lire tous les documents d'appui dépend de l'analyse de son greffier — une analyse se résumant à une page et demie — sur un tas de documents.
Je remarque aussi que les exigences pour un juge de la Cour suprême n'étaient pas aussi élevées que les exigences pour des fonctionnaires ayant des responsabilités de supervision, à savoir qu'il s'agissait de bilinguisme passif, donc davantage de la capacité de comprendre plutôt que de la maîtrise d'un niveau d'interaction orale habituellement exigé d'un fonctionnaire qui supervise des employés ayant le droit de travailler en français. J'ai élaboré beaucoup plus longuement mes arguments lors de mes témoignages devant des comités, et ces arguments sont disponibles.
Concernant les agents du Parlement, je suis content de voir que cela a été appuyé par le gouvernement. Ce qui est important dans ces positions, c'est que les individus, qui occupent ces postes, incarnent d'une certaine façon le rôle. Je ne suis pas président d'une commission des langues officielles, je suis commissaire aux langues officielles; et vous, les parlementaires, avez une attente tout à fait raisonnable de pouvoir me parler, soit en anglais, soit en français. C'est la même chose pour tous les autres commissaires, qu'ils soient à la vie privée ou à l'information, ou encore pour le vérificateur général.
Nous avons reçu des plaintes concernant la nomination du vérificateur général. Nous avons mené une enquête et produit un rapport préliminaire nous étudions maintenant la réponse du Conseil privé. Je ne peux donc pas parler en détail de cette plainte, car nous n'avons pas encore pu prendre connaissance de la réponse du Conseil privé pour la préparation de notre rapport final. Je suis toutefois content du fait que le gouvernement ait décidé d'appuyer ce projet de loi en ce qui concerne l'importance d'avoir des agents du Parlement qui soient en mesure d'entretenir des conservations ou de participer à des échanges avec les parlementaires dans la langue de choix du parlementaire.
[Traduction]
Le sénateur Kinsella : Je voudrais aborder deux questions différentes. Tout d'abord, comme sénateur représentant la province du Nouveau-Brunswick, j'ai été très heureux de vous entendre mentionner Michel Carrier, que j'ai pu observer à l'œuvre pendant assez longtemps. Son dévouement à la cause de la promotion et de la protection des langues officielles dans notre province a été exceptionnel, de même, bien sûr, que le travail de pionnier fait par le juge Bastarache.
Il est question dans votre nouveau mandat de droits linguistiques, qu'on a décrits de différentes façons depuis l'adoption de la Charte et les efforts déployés par des gens tels que les anciens sénateurs Louis J. Robichaud et Jean-Maurice Simard. Leur travail a donné des résultats concrets pour ce qui est de la modification bilatérale de la Constitution, modification qui a donné une base constitutionnelle à la réalité des deux communautés de langue officielle de ma province.
Que voyez-vous dans votre nouveau mandat au chapitre des programmes de promotion et de protection de nos langues officielles? Si vous voulez bien prêter une attention particulière à ma province, je l'apprécierais beaucoup. Cela étant dit, pouvez-vous nous dire, ne serait-ce que d'une façon très générale, comment cela se distingue-t-il du travail remarquable que vous et vos collègues de la commission avez fait au cours de votre dernier mandat?
(1530)
M. Fraser : Je vous remercie de votre question, sénateur. Permettez-moi, avant de vous répondre, de réaffirmer le profond respect et l'affection que j'ai pour Michel A. Carrier, qui était mon homologue lorsque j'ai commencé et qui est depuis devenu un collègue, puis un ami. Je suis allé au Nouveau-Brunswick assister à une rencontre marquant l'anniversaire de l'article 16.1. Je devais également signer un protocole d'entente avec son bureau pour nous permettre de collaborer plus étroitement. C'était en fait une reconnaissance d'une façon de travailler que nous avions établie, mais que j'espère perpétuer avec son successeur.
Le premier ministre provincial lui a demandé de continuer à exercer ses fonctions jusqu'à ce que son successeur soit désigné. J'ai été très heureux de l'apprendre car, comme je l'ai dit à la sénatrice Tardif, nous travaillons ensemble sur l'étude concernant les capacités bilingues du système judiciaire.
Pour ce qui est de l'avenir, nous avons un certain nombre de projets. D'une part, nous avons déjà établi des normes de service afin d'améliorer notre capacité de répondre officiellement aux plaintes. Nous avons réduit de moitié les délais de réponse, mais j'espère les réduire davantage, tout en reconnaissant que nous recevons des plaintes déposées en vertu de la partie VII de la loi, qui sont souvent plus complexes que les autres et qui prennent donc plus de temps.
Il y a aussi deux autres éléments. On prépare quelques grandes manifestations pour les trois prochaines années, jusqu'en 2007 et jusqu'au 150e anniversaire de la Confédération. Comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, je suivrai de très près — en partie pour encourager les gens et en partie pour les talonner — les préparatifs qui seront faits en vue de ces commémorations, afin de m'assurer que les différents plans tiennent compte de la dualité linguistique du pays.
Après les Jeux olympiques, nous avons produit un manuel destiné aux organisateurs de grands événements sportifs. Nous avons l'intention de faire la même chose pour les organisateurs de manifestations commémoratives, qui disposeront ainsi d'une liste de contrôle. Les organisateurs des Jeux du Canada nous ont dit qu'ils avaient trouvé extrêmement utile la liste de contrôle que nous avions placée dans le manuel. Le responsable des langues officielles nous a dit qu'il avait affiché la liste sur un tableau à côté de son bureau pour l'avoir constamment sous les yeux.
C'est l'un des outils que nous avons élaborés pour aider les gens qui ont des responsabilités à cet égard à ne pas perdre de vue l'importance des deux langues officielles.
Des événements commémoratifs — la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, le bicentenaire de la naissance de John A. Macdonald — jalonneront notre cheminement jusqu'au point culminant de 2017 et l'ouverture du Musée canadien de l'histoire. J'ai déjà eu un entretien très positif avec Mark O'Neill, PDG du musée. J'ai également été impressionné par les comptes rendus que j'ai vus des consultations tenues partout dans le pays afin de savoir ce que les Canadiens souhaitent trouver dans ce musée.
Il y aura également de grands événements sportifs, comme les Jeux du Canada qui auront lieu à Sherbrooke cet été et les Jeux panaméricains à Toronto. Nous collaborons avec les deux organisations.
Il y a un autre point qui n'est pas tout à fait nouveau, mais que j'espère renforcer. C'est l'importance qu'il y a à persuader les établissements postsecondaires d'offrir des possibilités d'apprentissage d'une langue seconde. Nous avons réalisé une étude à ce sujet, que nous continuons à mettre à jour. Nous avons placé sur notre site web une carte interactive grâce à laquelle les étudiants qui viennent de finir un programme d'immersion ou un programme de français de base et qui souhaitent maintenir leur acquis linguistique peuvent déterminer très rapidement quelles possibilités d'apprentissage linguistique offrent les universités auxquelles ils envisagent d'envoyer une demande d'admission.
J'ai utilisé ce rapport pour organiser des tables rondes de suivi dans le Canada atlantique et en Saskatchewan. Nous espérons en faire davantage. Je m'en sers également lorsque je prépare mes voyages dans le pays. J'ai discuté avec des présidents d'université de l'importance de l'apprentissage d'une langue seconde et de la responsabilité qu'ils ont envers le plus important employeur du Canada, à savoir le gouvernement fédéral, pour ce qui est de produire des diplômés qui maîtrisent les deux langues officielles.
Le sénateur Kinsella : Je vais utiliser le reste de mon temps de parole avant que notre distingué président ne m'interrompe pour se venger de toutes les fois où, à titre de Président, je l'ai moi-même interrompu.
Je réfléchis depuis un certain temps à la nature des droits linguistiques au Canada. À mon sens, ils ne se classent pas dans la catégorie des droits directement exécutoires. La liberté de la presse existera tant qu'elle ne sera pas réprimée. Nous jouirons du droit à la vie à moins que quelqu'un n'empiète sur notre liberté. De nombreux droits, comme le droit au travail, ne signifient pas grand-chose si on n'a pas une économie organisée, par exemple. Le droit à l'éducation est vide de sens en l'absence d'un système scolaire.
Je crois bien, d'après ce que j'ai vu dans ma propre province, que les droits linguistiques dépendent dans une très grande mesure de l'existence de programmes concrets de la société ou de l'État, sans quoi ils ne riment pas à grand-chose.
Dans la mesure où cela est vrai, pourriez-vous expliquer aux sénateurs vos liens avec le Parlement, car ce sont les parlementaires qui doivent approuver les fonds et les programmes publics qui sont destinés à donner tout leur sens aux droits linguistiques, à l'échelle tant nationale que provinciale? Pourriez-vous nous parler des liens que vous entretenez avec le Parlement et les parlementaires en tant qu'agent du Parlement?
M. Fraser : Le préambule de votre question semblait aller dans une direction quelque peu différente. Étant donné qu'il ne reste que quelques secondes, je ne suis pas sûr de pouvoir donner une réponse complète à votre question sur mes liens avec le Parlement. Les membres de mon bureau et moi demeurons à la disponibilité de tous les parlementaires, que ce soit individuellement ou collectivement, dans le cadre de travaux de comités ou de rencontres à mon bureau.
Avant la diffusion de mon rapport annuel, je rencontre également des ministres, des sous-ministres et le premier ministre pour les informer des recommandations que je suis sur le point de présenter. Ainsi, ils ne sont pas pris de court lorsque le rapport arrive sur leur bureau et qu'il est déposé à la Chambre.
Par ailleurs, je serais heureux de donner une réponse plus détaillée si quelqu'un souhaitait approfondir le rôle des agents du Parlement.
[Français]
Le sénateur Joyal : Monsieur Fraser, merci d'avoir accepté l'extension de votre mandat. Autant je suis heureux que vous ayez accepté cette extension, autant je suis inquiet que sa durée soit limitée à trois ans.
La Loi sur les langues officielles prévoit que votre nomination doit s'étendre sur une longue période pour assurer la stabilité de la fonction. Si on avait proposé de renouveler votre mandat pour une période de temps équivalant à un mandat normal, il me semble que la stabilité du poste aurait été confirmée.
En renouvelant votre mandat uniquement pour une période de trois ans, on introduit un élément de discontinuité dans l'exercice de la fonction qui n'était pas dans l'esprit de la durée du mandat originale que la loi prévoit. Est-ce vous qui avez demandé une période de trois ans ou est-ce qu'on vous l'a imposée?
(1540)
M. Fraser : C'est moi qui l'avais suggéré. On avait exploré la possibilité de me demander d'accepter une extension de mon mandat. D'abord, je ne demandais pas d'avoir une extension, mais j'ai indiqué que, si on me le demandait, j'accepterais.
Je faisais le raisonnement suivant : un an serait trop court, deux ans m'amèneraient au milieu des élections prochaines; donc trois ans me semblaient une période appropriée, d'autant plus que ma collègue, Jennifer Stoddart, commissaire à la vie privée, a eu une extension de trois ans; le mandat du vérificateur général est un mandat de 10 ans. Également, je me suis dit que cela prenait une certaine énergie et, après dix ans, je pensais que cela serait suffisant.
Blague à part, je croyais que je pouvais continuer au même rythme que celui auquel je fonctionne maintenant pour encore trois ans; cela me semblait approprié.
Ce n'était pas une condition, c'était une suggestion de ma part qui a été acceptée.
Le sénateur Joyal : Dans vos remarques d'ouverture, vous avez mentionné que vous êtes préoccupé par l'impact des réductions budgétaires sur la prestation des services en français. Hier, lorsque vous avez comparu devant l'autre Chambre, vous avez fait référence à l'impact de ces réductions sur la langue de travail.
M. Fraser : Oui.
Le sénateur Joyal : Et vous avez mentionné, selon ce qu'on peut lire dans les journaux aujourd'hui, que cela pourrait avoir un impact déterminant sur l'accès aux documents en français, en particulier sur la réduction du nombre de documents disponibles dans les deux langues officielles pour qu'un fonctionnaire puisse travailler dans la langue de son choix.
Qu'est-ce que cela vous prendrait de plus pour prendre la décision de faire une enquête en bonne et due forme?
M. Fraser : J'hésite à vous donner une réponse précise parce que j'ai déjà un rendez-vous avec le président du syndicat qui a soulevé cette question en premier lieu, et c'est un engagement que j'avais accepté avant que cela ne devienne un enjeu public dans les journaux. J'en suis au stade d'apprendre, de mieux comprendre la situation.
Je pense qu'il faut comprendre la situation de la traduction dans un contexte où on voit souvent des messages, même des messages non verbaux, dans lesquels il est implicite que ce serait préférable si un document était rédigé en anglais plutôt que dans la langue de choix de l'employé. Souvent, une des choses qui me frappent vis-à-vis des questions concernant la langue du travail, c'est à quel point il y a les pressions implicites, pas nécessairement explicites. Être minoritaire dans un lieu de travail, c'est exigeant et il y a toutes sortes de pression. On ne veut pas être celui qui empêche de tourner en rond une réunion en insistant sur les droits linguistiques, s'il y a des membres du groupe qui comprennent mal votre langue. C'est d'autant plus vrai que l'on voit qu'il y a un miroir à cette situation au Québec, où des fonctionnaires fédéraux anglophones ont tendance à parler en français aux réunions, à rédiger leurs documents en français, parce qu'ils veulent suivre le ton de la majorité. C'est très néfaste à la création de milieux de travail qui appuient la présence des deux langues officielles.
Donc, je ne suis pas rendu au point de dire que c'est la méchante haute fonction publique qui coupe, qui insiste, mais je pense qu'il y a plusieurs facteurs qui font en sorte que les gens hésitent à se prévaloir de leur droit de travailler en français.
Le sénateur Joyal : Est-ce que vous avez déjà pris position à l'égard de la préoccupation exprimée dans certains milieux au Québec, pour les secteurs de l'activité économique ou publique qui sont assujettis aux lois fédérales et qui, par conséquent, sont couverts par la Loi sur les langues officielles du Canada mais pas par la Charte de la langue française?
Je pense que vous connaissez ce débat. Il y a une certaine opinion, dans un certain milieu, selon laquelle les activités des banques par exemple, au Québec, qui relèvent de l'autorité fédérale, devraient être assujetties aux dispositions de la Charte de la langue française. Est-ce que vous avez déjà pris position sur cette question publiquement?
M. Fraser : Non, et je vais vous dire pourquoi. Nous avons regardé la situation et le projet de loi qui a été déposé à la Chambre par l'opposition officielle. Nous avons trouvé qu'il y avait un vide juridique et aussi la possibilité d'un conflit dans le cas où certaines sociétés, comme Air Canada, seraient assujetties à deux régimes linguistiques. Nous avons vu certains problèmes plutôt techniques dans la loi. Entre-temps, pendant que nous faisions cette étude, nous avons pris une pause quand nous avons appris que le gouvernement avait entrepris de faire une étude de la situation.
Tout récemment, le gouvernement a présenté l'étude qui a été faite par trois sous-ministres. Je l'ai lue en diagonale, mais nous n'avons pas fait une étude suffisamment approfondie pour donner une opinion.
Le sénateur Joyal : Est-ce votre intention de le faire pour qu'on puisse lire votre position formelle dans le prochain rapport que vous déposerez au Parlement?
M. Fraser : Je peux vous dire que l'analyse ne sera pas prête pour le rapport annuel. Le 31 mars approche à grand pas et nous n'avons pas pris de décision finale quant à savoir ce que nous ferons de l'analyse de ce rapport.
Le sénateur Nolin : Monsieur Fraser c'est un plaisir de vous revoir. Je me joins à mes collègues dans leurs éloges et pour vous féliciter de votre nouvelle nomination, même si elle est plus courte qu'on ne l'aurait souhaité — mais j'entends votre réponse et je l'accepte.
Plusieurs de mes collègues ont couvert nombre des sujets que j'avais en tête. L'un deux, et je vais vous permettre d'explorer de façon plus approfondie la question du Président du Sénat, le sénateur Kinsella, concerne la question de l'indépendance des mandataires ou agents du Parlement — pardonnez mon hésitation, j'essaie d'utiliser une expression qui soit la plus respectueuse des privilèges du Parlement, mais qui décrit votre fonction et celle de vos collègues qui sont des mandataires du Parlement.
Donc, dans un premier temps, j'aimerais vous entendre sur le sujet de votre indépendance au niveau de la gestion de votre organisme et de votre indépendance budgétaire vis-à-vis de l'administration fédérale.
M. Fraser : C'est une question extrêmement importante pour tous mes collègues et moi. Nous avons eu une série de conversations avec le Conseil du Trésor pour nous assurer d'avoir notre indépendance de façon certaine.
En même temps, nos employés sont des fonctionnaires, ils ont les droits et les privilèges des employés de la fonction publique. Nous ne sommes pas un employeur distinct vis-à-vis des négociations syndicales-patronales, par exemple, par contraste avec le vérificateur général qui, lui, est un employeur distinct et peut établir les échelles de salaires comme il le veut dans la négociation qu'il mène avec ses employés.
(1550)
Donc, nos employés ont les mêmes classifications et les mêmes salaires établis lors des négociations. Ce qui est important, c'est que les postes ont été créés, à mon avis, parce que les parlementaires ont décidé qu'il y avait certaines valeurs canadiennes qui transcendaient les débats partisans et les gouvernements du jour. Nous avons une obligation de rapporter au Parlement le respect que les institutions fédérales ont pour nos lois respectives. Chaque agent du Parlement a une loi différente. Donc, on se rapporte à des ministres ou à des comités différents. On a des ministres signataires, on ne se rapporte pas à ces ministres, mais ce sont eux qui déposent nos rapports devant la Chambre.
Cela veut dire, par exemple, que, par comparaison avec un sous-ministre ou même un chef d'agence qui se rapporte à un ministre, il n'y a pas un processus d'approbation de mes déclarations, de mes rapports ou de mes enquêtes. Donc, il y a l'indépendance cruciale de pouvoir honnêtement exprimer les vérités, comme on les voit, au pouvoir. C'est presqu'un cliché de dire : speak truth to power, mais c'est un peu la raison pour laquelle cette indépendance a été définie.
Je sais qu'il y a eu un certain débat au Sénat sur l'utilisation du terme « agent » plutôt que sur celui d'« officier ». En me préparant pour venir ici, j'ai regardé dans le dictionnaire. Si vous me le permettez, je n'avais pas Le Petit Robert devant moi, mais j'avais en anglais The New Shorter English Oxford :
[Traduction]
Selon le nouveau Petit Robert de la langue française, un « agent », c'est l'être qui agit, ou la force intervenant dans la production de certains phénomènes.
[Français]
C'est plutôt dans ce contexte que je vois notre rôle comme agent. C'est que, contrairement aux officiers du Sénat ou de la Chambre qui travaillent pour vous, qui vous appuient dans vos fonctions, moi j'ai la responsabilité de pouvoir avoir un effet sur des institutions fédérales. C'est pour cela que l'on fait des enquêtes, des vérifications, des études et que nous rapportons au Parlement l'effet de nos actions et déterminons si les institutions fédérales ont bel et bien respecté la volonté du Parlement telle qu'exprimée dans la Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Nolin : Qu'en est-il de votre indépendance budgétaire?
M. Fraser : Notre budget a été établi et il reste jusqu'à maintenant à un niveau très stable.
Le sénateur Nolin : Je vous interromps. Pourquoi touchez-vous du bois?
M. Fraser : Demain, c'est le budget.
Le sénateur Nolin : Je comprends, mais c'est là qu'est toute la nature de l'indépendance. C'est exactement le but de ma question. Selon moi, il doit y avoir une autorité qui contrôle votre budget et ce doit être le Parlement. On discute de qui devrait contrôler votre budget au Parlement, mais ce n'est pas le pouvoir exécutif qui doit contrôler votre budget. C'est pour cela que vous voir toucher du bois, cela me préoccupe.
M. Fraser : Effectivement, on avait un projet pilote, un panel parlementaire qui a été établi pour écouter toutes demandes supplémentaires de financement des agents du Parlement, précisément pour éviter que notre indépendance soit affectée par des décisions gouvernementales. Le projet pilote est terminé, cela n'a pas été renouvelé, le panel parlementaire n'existe plus. Donc, on est toujours un peu dans le noir quant à nos besoins de demandes supplémentaires de financement. Il n'y a pas une structure établie, il n'y a pas un moyen qui existe actuellement. Il y a eu pendant cinq ans environ ce processus qui existait. J'ai comparu devant ce panel quand il y avait une demande de financement supplémentaire pour des obligations nouvelles sur l'accès à l'information et aussi l'obligation de vérification interne. Ces deux réformes ont été introduites il y a sept ans environ. En fonction de cela, il y avait du financement additionnel et je devais comparaître devant ce panel parlementaire pour le réclamer.
Le sénateur Nolin : Si je comprends bien, vous établissez votre budget et vous le soumettez au Conseil du Trésor.
M. Fraser : Oui.
Le sénateur Nolin : Et là vous touchez du bois, vous attendez.
M. Fraser : Cela a été établi il y a plusieurs années et, selon les prévisions, cela a été un financement stable.
Le président : Honorables sénateurs, le comité siège maintenant depuis une heure. Conformément à l'ordre du Sénat, je suis obligé maintenant d'interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.
Merci, monsieur Fraser, d'avoir consenti à votre nomination. Bien sûr, la décision sera prise sous peu, mais nous vous remercions d'avoir consenti à cette nomination.
M. Fraser : Merci, monsieur le président.
Le président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport au Sénat du fait que le témoin a été entendu?
Des voix : D'accord.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, puisqu'il n'y a pas d'étranger dans son enceinte, le Sénat reprend sa séance.
Rapport du comité plénier
L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à entendre M. Graham Fraser relativement à sa nomination au poste de commissaire aux langues officielles, signale qu'il a entendu ledit témoin.
[Français]
Adoption de la motion tendant à approuver sa nomination
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis donné le 19 mars 2013, propose :
Que, conformément à l'article 49 de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, Chapitre 31 (4e suppl.), le Sénat approuve la nomination de Graham Fraser à titre de commissaire aux langues officielles.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Projet de loi sur la transparence financière des Premières Nations
Troisième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Wallace, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière.
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-27, Loi sur la transparence financière des Premières Nations. Ce projet de loi vise à exiger des gouvernements des Premières nations qu'ils affichent, chaque année, sur Internet, leurs états financiers consolidés ainsi qu'une annexe des rémunérations versées et des dépenses remboursées aux conseils et aux chefs.
(1600)
La transparence et la responsabilité sont d'importants objectifs vers lesquels tendent tous les gouvernements, y compris ceux des Premières nations, en communiquant de leur propre chef de l'information, et personne ne s'y oppose. Toutefois, à la lumière de ce que nous ont dit les témoins lors des audiences du comité, l'adoption du projet de loi C-27 n'aidera pas les gouvernements des Premières nations à atteindre l'un ou l'autre de ces objectifs.
Honorables sénateurs, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, ou AADNC, et le ministre voudraient nous faire croire que l'adoption du projet de loi C-27 permettra de mettre au pas la poignée de Premières nations qui sont perçues comme corrompues et qui refusent de montrer aux membres de leurs bandes qui le demandent les états financiers envoyés par leur bande à AADNC. Plutôt que de croire les allégations sans fondement selon lesquelles, en adoptant le projet de loi C-27, nous mettrons au pas les Premières nations corrompues et nous viendrons en aide aux membres insatisfaits de leurs bandes, prenez en considération les quatre faits suivants que le ministre et AADNC n'ont pas exposés clairement et qu'ils semblaient ne pas vouloir que nous connaissions lors de l'étude du projet de loi au comité.
Fait 1 : le ministère des Affaires autochtones peut déjà divulguer l'information financière d'une bande à ses membres. En vertu des règles administratives en vigueur, même celles qui font partie des accords de financement nationaux, qui sont des contrats juridiques, c'est faisable. On ne peut que se demander pourquoi le ministère ne le fait pas, d'autant plus qu'en refusant de le faire, il ne fait qu'exacerber la frustration des membres des bandes.
Fait 2 : en vertu des règles en vigueur, le ministère des Affaires autochtones ne peut pas publier l'information financière confidentielle d'une Premières nation. Ainsi, les Affaires autochtones ne peuvent pas communiquer d'information confidentielle, comme les noms et l'information sur les revenus autonomes, par exemple, à la Fédération canadienne des contribuables.
Fait 3 : en votant en faveur de l'adoption du projet de loi C-27, nous priverons les Premières Nations de la liberté de prendre leurs propres décisions concernant la divulgation de leurs renseignements financiers privés. Les lois et règlements actuellement en vigueur donnent le choix aux bandes des Premières Nations. Ce sont elles, et non le ministère des Affaires autochtones, qui décident si elles publient ou non leurs renseignements financiers confidentiels.
Fait 4 : l'adoption du projet de loi C-27 ne permettra pas de mettre au pas les quelques Premières nations récalcitrantes, car le projet de loi renvoie aux politiques et règlements déjà en vigueur au ministère des Affaires autochtones. Si Affaires autochtones et Développement du Nord Canada n'est pas capable, à l'heure actuelle, de mettre au pas une Première nation récalcitrante, il ne sera pas plus en mesure de le faire après l'adoption du projet de loi C-27, car ce dernier ne propose aucune nouvelle mesure. Visiblement, le projet de loi C-27 n'est qu'un écran de fumée qui vise à duper les parlementaires et les Canadiens.
Le gouvernement ne peut pas justifier l'abolition du droit de la protection des renseignements de toutes les bandes des Premières Nations en prétextant vouloir protéger et aider les membres de quelques Premières Nations, car il sait que le ministère des Affaires autochtones a sa part de responsabilité dans ce problème. Même sans le projet de loi C-27, le ministère pourrait aider les membres des bandes en mettant à leur disposition les renseignements financiers des bandes, mais il ne le fait pas. Au lieu d'aider les membres frustrés de ces bandes, le gouvernement semble les avoir utilisés comme excuse pour présenter ce projet de loi.
Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement donne de faux espoirs aux membres des quelques Premières Nations prétendument corrompues. Le ministère des Affaires autochtones sait que ce projet de loi ne permettra pas de mettre au pas les dirigeants récalcitrants de ces Premières Nations. Le projet de loi ne propose aucune nouvelle mesure en ce sens.
On ne peut que conclure que le ministère des Affaires autochtones essaie de nous duper ou qu'il a des intentions cachées. L'une comme l'autre, ces deux conclusions sont peu flatteuses. Le ministre aurait dû retirer rapidement le projet de loi C-27 et s'asseoir avec les dirigeants et les membres des Premières Nations afin de pouvoir présenter une mesure législative qui répond aux attentes de toutes les parties prenantes et obtient leur appui.
Honorables sénateurs, au bout du compte, le projet de loi C-27 sera comme la loi établissant le registre des armes d'épaule, qui n'a pas atteint ses objectifs et qui a récemment été abrogée par le gouvernement. Cette loi cherchait elle aussi à sévir contre un petit sous-groupe de propriétaires d'armes à feu mais a fini par compliquer la vie aux propriétaires d'armes d'épaule respectueux des lois, comme les agriculteurs et les chasseurs, et a suscité leur colère. Qui plus est, aucune poursuite n'a été intentée contre les chasseurs qui ont délibérément refusé de se plier à la nouvelle loi.
C'est le même sort qui attend le projet de loi C-27. Il est censé sévir contre un petit sous-groupe de bandes des Premières Nations mais s'avèrera lui aussi inefficace Le projet de loi C-27 lui aussi compliquera la vie aux bandes des Premières Nations respectueuses des lois et suscitera leur colère, alors que la majorité d'entre elles, comme les chasseurs, ne font rien de mal. Peut-être refuseront-elles elles aussi de se plier à la nouvelle mesure. Peut-être devraient-elles toutes refuser de s'y plier.
Je sais que le gouvernement cherche à faire adopter le projet de loi C-27 au Sénat d'ici la fin mars. Les sénateurs d'en face sont majoritaires au Sénat, mais je leur demande de prendre le temps d'effectuer un second examen objectif du projet de loi avant de voter selon la ligne de leur parti.
Honorables sénateurs, voilà en gros les raisons pour lesquelles je pense que le projet de loi C-27 aurait dû être retiré pour permettre des consultations et un examen plus approfondis et que nous devrions voter contre ce dernier à l'étape de la troisième lecture.
J'aimerais maintenant entrer dans les détails, en m'appuyant sur des citations tirées des séances du Comité des peuples autochtones. Premièrement, comme les sénateurs s'en souviendront sûrement, la loi actuelle permet déjà à Affaires autochtones de communiquer ces renseignements financiers aux membres des bandes. Il faut donc se demander pourquoi le ministère ne le fait pas, d'autant plus qu'un tel manque de transparence contribue à la frustration des membres des bandes.
Tel qu'indiqué dans le résumé législatif du projet de loi C-27 rédigé par la Bibliothèque du Parlement, conformément au Manuel des rapports financiers de clôture d'exercice d'AADNC, les Premières Nations doivent présenter annuellement au ministère des états financiers consolidés vérifiés à l'égard des fonds publics qu'elles reçoivent, y compris les salaires, les honoraires et les frais de déplacement de tous les représentants élus ou nommés et de tous les cadres supérieurs non élus de la bande. Les cadres non élus sont notamment les directeurs exécutifs, les administrateurs de bande, les directeurs principaux de programmes et les gestionnaires. Les Premières Nations doivent aussi diffuser ces états à leurs membres. En particulier, selon la section 6.4.1, les Premières Nations doivent divulguer, tant à leurs membres qu'à AADNC, les rémunérations gagnées ou accumulées par les représentants élus ou nommés et les cadres supérieurs non élus; et selon la section 6.4.2, les montants des rémunérations reçues, gagnées ou accumulées des représentants élus non nommés qu'il faut divulguer « proviennent de toutes sources au sein de l'entité comptable du bénéficiaire, y compris les montants provenant, sans s'y limiter, du développement économique et d'autres types d'entreprises commerciales ».
De plus, le ministère des Affaires autochtones peut aussi divulguer l'information aux membres de la bande, aux termes des ententes de financement que toutes les Premières Nations ont signées, notamment en 2010 et 2011. Par ailleurs, selon l'article 3.1, le conseil doit, s'ils le demandent, mettre à la disposition des membres des Premières nations les états financiers consolidés vérifiés, y compris le rapport du vérificateur. Selon l'article 4.4, lorsqu'un conseil refuse de mettre ses états financiers vérifiés à la disposition de ses membres, le ministre peut le faire à sa place.
Notons que, dans l'affaire Sawridge, la cour a décidé que ces états financiers ne sont pas confidentiels pour les membres d'une bande des Premières Nations puisque les membres d'une bande peuvent avoir accès aux états financiers de leur propre bande en vertu du Règlement sur les revenus des bandes d'Indiens. Par conséquent, le gouvernement peut divulguer les états financiers aux membres de la bande.
(1610)
Voici ce que M. Bradley Regehr, de l'Association du Barreau canadien, a dit au comité.
C'est assez simple. Le ministre peut fournir ces renseignements directement aux membres d'une bande et si je ne m'abuse, cela est déjà prévu dans les accords de contribution actuels [...] Le ministre peut déjà fournir cette information à tout membre d'une Première nation qui ne la reçoit pas directement de cette dernière.
En réponse à ma question sur les différences entre le projet de loi et les politiques actuelles, il a dit ce qui suit.
L'une des différences est que si la Première nation ne se conforme pas à la loi, le gouvernement fédéral peut avoir recours à une cour supérieure pour l'y obliger, tout comme n'importe quel membre.
Il a ajouté :
Selon les dispositions du projet de loi, désormais les membres des bandes devraient s'adresser à une cour supérieure. Je ne vois pas la logique ici. Le ministre peut déjà fournir cette information à tout membre d'une Première nation qui ne la reçoit pas directement de cette dernière. Si une Première nation refuse d'obtempérer, le ministre a les recours nécessaires en vertu des accords de contribution — il ou elle peut imposer les conditions, récupérer le financement versé, nommer un gestionnaire tiers ou un cogestionnaire. Même si je n'aime pas dire les choses ainsi, je me demande quand même à quoi cela rime?
Au comité, nous avons entendu les témoignages de trois membres de bandes venant de trois réserves différentes. Les dirigeants de leurs réserves refusent de leur fournir l'information financière qu'ils sont censés donner à leurs membres. Leurs histoires nous ont fendu le cœur. Nous pouvions ressentir leur colère et leur frustration, et nous avons été impressionnés par leur courage. Ils refusaient d'abandonner malgré l'intimidation dont ils étaient victimes et les craintes de représailles. J'ai beaucoup de sympathie et d'empathie pour les membres de bandes qui ont témoigné. Nous voulons évidemment tous les aider. Toutefois, l'adoption du projet de loi C-27 ne les aidera pas. Les recours prévus dans le projet de loi afin d'obliger les dirigeants à fournir à leurs membres l'information financière qu'ils réclament existent déjà dans les politiques et les règlements ministériels. Comme je l'expliquerai plus tard, ces politiques font également partie du contrat ayant force obligatoire, l'accord de financement conclu par la bande et le Canada.
En réponse à mon commentaire selon lequel Affaires autochtones et Développement du Nord Canada pouvait divulguer les renseignements financiers aux membres de la bande, Mme Phyllis Sutherland, de la Peguis Accountability Coalition, a dit ceci :
C'est exact, et je ne sais pas comment faire pour y remédier. Le ministre établit des règles, mais il ne les fait pas respecter, si bien que nous nous retrouvons avec le même problème. C'est très frustrant. Nous l'avons dénoncé maintes et maintes fois, mais ça ne sert à rien.
M. Michael Benedict, de la Coalition des citoyens abénaquis pour un gouvernement abénaquis juste, transparent et redevable, a quant à lui déclaré :
Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, que l'on appelait avant l'AINC, a démontré par le passé être prêt à ignorer délibérément les abus évidents découlant de la mauvaise gestion financière, électorale et environnementale chez les gouvernements des Premières Nations, malgré les appels à l'aide des citoyens de ces nations [...]
Il a aussi ajouté :
[...] les demandes d'information auprès d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada par des citoyens des Premières Nations au sujet de leur Première nation respective sont généralement renvoyées au gouvernement de ces Premières Nations, qui a refusé en premier lieu de donner ces renseignements, même s'ils devraient légalement être rendus publics.
Pour sa part, Mme Beverly Brown, de la Première nation Squamish, a déclaré :
J'ai également demandé de l'information du bureau de la Colombie-Britannique du ministère des Affaires autochtones et n'ai reçu aucune réponse. On a fait la source oreille et on m'a dit de chercher à obtenir cette information auprès du chef et des conseillers.
M. Colin Craig de la Fédération canadienne des contribuables a affirmé :
Mais le message que nous recevons d'un grand nombre de membres de bandes est qu'ils ne peuvent pas les obtenir auprès de leur communauté et qu'ils sont donc obligés de s'adresser au gouvernement fédéral. Dans le passé, ils se sont vu refuser ces informations par les bureaux locaux des Affaires autochtones et du Développement du Nord, qui les renvoyaient à leur bande. Ils étaient pris dans un cercle vicieux, car une fois revenus au bureau de leur bande, ils n'arrivaient pas à obtenir quoi que ce soit, donc ils retournaient au bureau fédéral, et ainsi de suite.
Honorables sénateurs, il ressort clairement de ces déclarations qu'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada cause ou exacerbe le problème en ne divulguant pas aux membres d'une bande les données financières relatives à cette dernière.
Voici un autre fait : aux termes des règles actuelles, il est interdit à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada de rendre publiques les données financières confidentielles d'une Première Nation. Le ministère ne peut donc pas divulguer de noms ou de renseignements concernant les recettes autonomes, par exemple, à la population ou à des groupes publics comme la Fédération canadienne des contribuables.
Dans l'affaire Sutherland, en 1994, la Cour fédérale a statué que le nom des personnes qui avaient consenti un prêt ou fait un emprunt à une bande des Premières Nations ainsi que l'énoncé de tâches ou le salaire de certains membres des conseils de bande constituaient des « renseignements personnels » au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par conséquent, lorsqu'une demande d'accès à l'information soumise en vertu de la Loi sur l'accès à l'information vise le traitement et la rémunération du chef ou des membres d'un conseil de bande, le gouvernement n'a pas le droit de l'accueillir.
De plus, dans l'affaire Montana, la Cour fédérale a jugé que les états financiers des Premières Nations sont des renseignements confidentiels aux termes de l'alinéa 20(1)(b) de la Loi sur l'accès à l'information et que le gouvernement n'a donc pas à les rendre publics.
L'ancien ministre des Affaires étrangères et du développement du Nord John Duncan a comparu devant le comité, auquel il a dit :
Il faut aussi savoir que la Loi sur la protection des renseignements personnels interdit actuellement au ministère de publier ou de divulguer le salaire et les autres rémunérations d'un chef et des membres d'un conseil. Le projet de loi C-27 aurait pour effet de nous donner l'autorisation légale de le faire [...]
Ce que le ministre n'a pas dit explicitement, c'est que s'il ne peut pas rendre ces renseignements publics, il peut tout de même les divulguer aux membres de la bande.
Voici ce qu'a déclaré au comité la Fédération canadienne des contribuables :
Nous recevons régulièrement, en copie, des demandes adressées au gouvernement fédéral par des membres qui ne réussissent pas à obtenir ces informations localement.
C'est plutôt étrange. Pourquoi le ministère fait-il cela? Il sait que la Fédération canadienne des contribuables est un organisme public et que la Loi sur la protection des renseignements personnels l'empêche d'obtenir de l'information sur la rémunération des chefs et des membres des conseils; il sait aussi que le membre de la bande peut par contre y accéder. La situation est illogique. Le ministère ajoute à la frustration des membres des bandes en les aiguillant vers un organisme public qui, comme il le sait très bien, ne peut pas les aider.
Le troisième fait est qu'en adoptant le projet de loi C-27, les conservateurs priveront les Premières Nations de la liberté de prendre leurs propres décisions concernant la divulgation de leurs renseignements financiers privés. Les lois et règlements actuellement en vigueur donnent le choix aux bandes des Premières Nations. Ce sont elles, et non Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, qui décident si elles publient ou non leurs renseignements financiers confidentiels.
L'article 7 du Manuel des rapports financiers de clôture d'exercice indique :
7.2 Contexte
Le gouvernement du Canada reconnaît et respecte la nature confidentielle des états financiers consolidés vérifiés du bénéficiaire.
7.3 Divulgation au moyen d'états financiers consolidés
Si le bénéficiaire désire divulguer ses états financiers consolidés établis conformément aux exigences du Manuel des Rapports financiers de clôture d'exercice au lieu de dresser un tableau financier séparé de la façon prescrite en 7.4, il doit alors joindre à ses états financiers consolidés une Résolution du Conseil de bande, une Résolution des chefs ou tout autre document similaire signé qui autorise le gouvernement du Canada à divulguer cette information au grand public.
Les exigences concernant la divulgation de l'information décrites aux sections 6.2, 6.3, 6.4 et 6.5 du manuel ne sont pas obligatoires si le bénéficiaire utilise cette option. Ce choix doit être indiqué dans une Résolution du Conseil de bande, une Résolution des chefs ou tout autre document similaire signé qui est présenté à AINC.
La quatrième fait est que l'adoption du projet de loi C-27 ne permettra pas de mettre au pas les quelques Premières Nations récalcitrantes, car le projet de loi renvoie aux politiques et règlements déjà en vigueur au ministère des Affaires autochtones. Si Affaires autochtones n'est pas capable à l'heure actuelle de mettre au pas une Première nation récalcitrante, il ne sera pas non plus en mesure de faire après l'adoption du projet de loi C-27, car ce dernier ne propose aucune nouvelle mesure.
(1620)
Le 5 février, lors d'une séance d'information technique organisée par le ministère à l'intention des membres de notre comité, nous avons appris, après avoir posé des questions, que ce projet de loi ne contient aucune nouvelle mesure. Les témoins qui ont comparu devant le comité l'ont confirmé.
Michael McKinney, de la Première nation de Sawridge, a déclaré de façon catégorique au comité que le projet de loi C-27 ne contient aucun nouvel outil pour assurer la conformité. Voici ce qu'il a déclaré :
Le règlement comme le manuel de comptabilité des Premières nations prévoient que les renseignements en question doivent être non seulement affichés, mais aussi transmis au ministre ou à son ministère. À l'heure actuelle, si une bande refuse d'obtempérer, le gouvernement va refuser de lui verser des fonds. J'ignore ce qui rend ce projet de loi si différent, si ce n'est que la terre entière va désormais pouvoir consulter les renseignements demandés et que l'on pourra aussi se tourner vers les tribunaux, mais c'était déjà tout à fait possible aux termes de la réglementation actuellement en vigueur. En effet, si vous ne vous conformez pas à tel ou tel règlement, le gouvernement peut très bien s'adresser aux tribunaux pour obtenir une ordonnance vous obligeant à faire ce qui vous est demandé [...] Je ne vois pas ce que le projet de loi va régler. Quand une personne ne veut pas se conformer à la loi, elle va faire à sa tête, point final.
Ce sentiment a été réitéré par Jody Wilson-Raybould de l'Assemblée des Premières Nations, qui a déclaré ce qui suit :
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-27 ne fera pas grand-chose dans les faits pour appuyer la reddition de comptes véritable des Premières nations ou la reconstruction des nations. Il imposera tout simplement des règles fédérales à nos gouvernements.
Au cours de l'étude article par article du projet de loi, son parrain, le sénateur Patterson, a déclaré ceci :
On ne parle pas d'une imposition radicale de nouvelles exigences de rapports ou de divulgation. Les exigences sont déjà en place [...]
La nouvelle procédure ne sera pas si différente de ce qui est en place actuellement.
Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au début de mon allocution, le projet de loi C-27 n'est qu'un leurre conçu pour tromper les sénateurs et la population canadienne.
Il est injustifiable que le gouvernement élimine le droit à la protection des renseignements personnels dont bénéficient toutes les bandes des Premières Nations sous prétexte qu'il souhaite protéger et aider les membres de quelques bandes. Il ne peut pas agir ainsi, car il sait très bien qu'Affaires autochtones est en partie responsable de la situation. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada pourrait très bien fournir aux membres des bandes les données financières de leur bande, même sans le projet de loi C-27, mais il ne le fait pas. Au lieu d'aider réellement ces Autochtones frustrés, le gouvernement préfère se servir d'eux pour justifier l'existence de ce projet de loi.
Pire encore, le gouvernement fait miroiter de faux espoirs aux membres des quelques bandes des Premières Nations qui seraient prétendument corrompues. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada sait que, si un leader des Premières Nations ne se conforme pas aux exigences, ce n'est pas cette mesure législative qui pourra l'amener à s'y conformer, puisque le projet de loi ne prévoit aucun recours.
Comme je l'ai déjà dit, honorables sénateurs, le projet de loi C-27 sera semblable au registre des armes d'épaule, une mesure législative inefficace que le gouvernement actuel a abrogée dernièrement. Alors que le registre était censé cibler un petit groupe de propriétaires d'armes, il a plutôt eu pour effet de punir et d'irriter des propriétaires d'armes d'épaule respectueux des lois, notamment des agriculteurs et des chasseurs. De plus, les chasseurs qui ont refusé de se plier aux exigences n'ont pas été poursuivis en justice.
Je le répète, le projet de loi C-27 connaîtra un sort semblable. Il est censé cibler un petit groupe de bandes des Premières Nations, mais il sera inefficace, lui aussi. Lui aussi aura pour effet de pénaliser et d'irriter des bandes respectueuses des lois, puisqu'une forte majorité de bandes n'a rien à se reprocher, comme c'était le cas des chasseurs. Quand la mesure aura été adoptée, elles refuseront peut-être de se plier aux exigences, elles aussi. Peut-être qu'elles devraient toutes refuser de s'y conformer.
Ce que j'essaie de dire, honorables sénateurs, c'est que ce projet de loi n'a pas de mordant. Il n'a pas le mordant nécessaire, c'est-à-dire un pouvoir de contrainte, pour obliger les rares chefs récalcitrants à divulguer les états financiers aux membres de leur bande, car on emploie les mêmes solutions inefficaces.
Il faut cependant noter que le ministre et le ministère n'ont jamais voulu signaler ce problème. Pire encore, ils n'ont jamais admis qu'ils peuvent, même sans l'adoption de ce projet de loi, fournir aux membres de la bande les renseignements financiers que ces derniers souhaitent obtenir auprès de leur chef. Je répète : ils n'ont jamais admis que le ministre peut fournir une copie des états financiers que la bande soumet au ministère. Le ministère peut déjà le faire en raison de la décision rendue dans l'affaire Sawridge, jugée en 2006.
Encore une fois, si un membre d'une bande ne peut obtenir, ni auprès de son chef, ni auprès de son conseil de bande, les états financiers de la bande, le ministre peut lui en fournir une copie. Pourtant, des membres de certaines bandes nous ont dit que le ministère refusait de le faire. Quel est le coupable dans cette affaire? Est-ce le chef et le conseil, le ministre, ou les deux? Évidemment, ce sont les deux, mais c'est le ministre et le ministère qui ont créé le problème en ne faisant pas appliquer les règles qu'ils ont eux-mêmes établies, lesquelles obligent le chef et le conseil à remettre aux membres de leur bande une copie de leurs états financiers. Le ministre et le ministère ont aggravé le problème en refusant de fournir les renseignements aux membres de bandes.
Soit les sénateurs d'en face ne comprennent pas, soit ils font exprès pour nier qu'ils sont en train de donner de faux espoirs aux membres de bandes qui ont témoigné devant nous. Ils ne veulent pas de notre pitié; ce serait une insulte. Ils veulent que nous agissions. Ils veulent que leurs problèmes soient résolus. Ce projet de loi ne les aidera pas. Vous le savez. Vous êtes en train de les tromper. Vous leur donnez de faux espoirs simplement pour justifier votre intention de légiférer de manière à priver les Premières Nations de leur liberté de déterminer elles-mêmes si elles veulent que leurs états financiers soient divulgués à l'ensemble de la population ou seulement à leurs membres.
Honorables sénateurs, comment pourrions-nous, en toute conscience, adopter une loi qui prive les bandes des Premières Nations de leur liberté de décider si elles veulent ou non publier les salaires et les dépenses de leurs dirigeants ainsi que leurs états financiers consolidés et vérifiés, y compris de l'information confidentielle protégée par la Loi sur la protection des renseignements personnels, de manière à ce que tout le monde puisse y avoir accès? Nous-mêmes ne sommes obligés de publier ni la totalité de nos sources de revenus, ni les détails de nos dépenses.
Il est tout à l'honneur du parrain du projet de loi qu'il ait déclaré dans un communiqué de presse être prêt à publier les détails de ses frais de subsistance si les règles du Sénat sont modifiées pour que ce soit désormais obligatoire. Voilà qui est très bien, mais nous avons le choix. Le Sénat adopte ses propres règles. Nous pouvons décider, si nous le voulons, de publier les détails de nos dépenses et nous pouvons déterminer entre nous si nous voulons en faire une règle. Au contraire, le gouvernement et le Sénat veulent imposer le projet de loi C-27 aux Premières Nations, sans les avoir consultées et sans qu'elles y aient consenti. Pire encore, nous leur enlèverions le droit de décider si elles veulent publier leur information financière.
Honorables sénateurs, voilà qui n'est que pure hypocrisie de notre part. Nous voudrions imposer aux Premières Nations des règles de transparence et de reddition de comptes plus sévères que celles qui s'appliquent à nous, au Sénat.
Honorables sénateurs, permettez-moi de faire une analogie qui vous permettra de comprendre clairement pourquoi ce projet de loi devrait être rejeté maintenant, à défaut d'avoir été retiré lors de son étude par le comité pour qu'une consultation puisse avoir lieu.
Présentement, les médias se font un malin plaisir d'insinuer que nous, les sénateurs, plumons les contribuables avec des allocations de dépenses gonflées. Selon certaines allégations, quelques sénateurs uniquement auraient inscrit à leurs dépenses des sommes qui n'auraient pas dû y figurer, mais les médias en profitent pour nous dépeindre comme des privilégiés qui mènent la belle vie. Les gens nous perçoivent comme des personnes qui sont toutes corrompues. Ces généralisations abusives nourrissent l'idée qu'il faut réformer ou abolir le Sénat. Les enquêtes sur les allocations de dépenses d'un petit nombre de sénateurs suffisent pour que nous soyons tous perçus comme des filous qui profitent du système. Un tollé en résulte, et le public voudrait que nous soyons tous congédiés. Ce n'est certainement pas une exigence raisonnable ou équitable. Il ne fait pas de doute que, lorsqu'après avoir fait enquête, on constate qu'un sénateur a mal agi, il devrait être sanctionné. Mais ceux qui, parmi nous, n'ont rien à se reprocher ne devraient pas être pénalisés.
Nous sommes en train de subir le même sort que les chefs des Premières Nations.
(1630)
Quelques chefs sont soupçonnés d'être corrompus et semblent toucher un salaire exorbitant. Toutefois, ces allégations ont donné lieu à une conclusion injustifiée, à savoir que tous les chefs sont corrompus, à l'instar de tous les sénateurs qui sont perçus comme étant corrompus.
Comme on présume que tous les chefs sont corrompus, le projet de loi C-27 les obligera tous à divulguer au grand public leurs annexes des rémunérations et leurs états financiers. Il aurait été préférable de cibler les quelques chefs qui ont été reconnus coupables de malversations financières.
Les sénateurs d'en face comprennent-ils cette analogie? Je l'espère bien. Pensez-y lorsque viendra le moment de voter sur ce projet de loi.
Il est évident que ce projet de loi est mal conçu. Terry Goodtrack, de l'Association des agents financiers autochtones du Canada, et Bradley Regehr, de l'Association du Barreau canadien, ont dit très clairement qu'ils s'opposaient au projet de loi. En outre, Harold Calla, du Conseil de gestion financière des Premières Nations, a déclaré que le projet de loi devrait être assujetti aux lois pertinentes en matière de protection de la vie privée. Il est aussi important de signaler que les chefs des Premières Nations qui ont comparu devant le comité s'opposaient au projet de loi, de même que l'Assemblée des Premières Nations.
Lors des travaux du comité, nous avons présenté une motion en vue de retirer le projet de loi C-27, le temps de consulter les Premières Nations et de tenir compte de leurs points de vue. Toutefois, les sénateurs d'en face ont rejeté cette motion, fait plutôt étonnant. C'est comme si la manifestation des chefs sur la Colline en décembre dernier, le mouvement Idle No More, la grève de la faim de la chef Spence et l'engagement renouvelé pris le 11 janvier à l'égard de rapports respectueux entre la Couronne et les Premières Nations n'avaient jamais eu lieu.
Qui plus est, le grand chef de la Confédération des Premières Nations signataires du Traité no 6 a déclaré devant le comité que la confédération avait demandé au Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale de prendre des mesures urgentes pour contrer le « tsunami de lois » qui touchent les Premières Nations.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs conservateurs qui sont membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones auraient dû voter en faveur du retrait du projet de loi C-27 afin de donner aux Premières Nations la possibilité d'être consultées. Ils ont plutôt choisi de renvoyer au Sénat la même version inchangée du projet de loi C-27 pour qu'il soit examiné à l'étape de la troisième lecture.
Je tiens à citer ce que j'ai dit le 6 mars, au comité, sur ma motion visant le retrait du projet de loi C-27 :
Hier, pendant la réunion de notre comité, le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, Jody Wilson-Raybould, a appuyé le retrait du projet de loi C-27. Je vais citer un passage de la transcription. Elle a déclaré :
[...] je souhaite indiquer clairement que l'Assemblée des Premières Nations et les gouvernements des Premières nations n'ont pas eu leur mot à dire dans l'élaboration de ce projet de loi. Le gouvernement du Canada a l'obligation de consulter, et il est bien malheureux qu'il n'existe pas de mécanismes clairs et convenus par les parties pour garantir la participation des Premières nations. L'APN approuve les demandes faites par d'honorables sénateurs et des témoins antérieurs pour que ce projet de loi soit retiré. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-27 ne fera pas grand-chose dans les faits pour appuyer la reddition de comptes véritable des Premières nations ou la reconstruction des nations. Il imposera tout simplement des règles fédérales à nos gouvernements. En outre, il est fort possible qu'il y ait des contestations judiciaires si le gouvernement fédéral continue d'imposer aux Premières nations des mesures législatives sans avoir tenu de vraies consultations.
Le projet de loi n'améliorera pas la reddition de comptes et la transparence. Il a fait l'objet d'un examen très approfondi. Le nouveau ministre des Affaires autochtones, le ministre Valcourt, a la possibilité d'examiner les témoignages entendus par les comités et d'examiner le projet de loi C-27 pour déterminer, à la lumière de toutes les discussions et justifications liées aux politiques, si oui ou non on atteindra vraiment le but du projet de loi C-27. Je crois que le nouveau ministre dispose d'une telle possibilité.
J'ai ensuite déclaré ce qui suit au comité :
Je conviens qu'il faudrait donner au ministre Valcourt la possibilité d'examiner les délibérations du comité et de tirer ses propres conclusions sur les importantes questions concernant les consultations et l'efficacité du projet de loi. De plus, la semaine dernière, le grand chef de la Confédération des Premières Nations signataires du Traité no 6 a dit :
Nous revenons tout juste de Genève, où nous avons lancé deux appels d'action urgente devant le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale. L'un de ces appels visait à déposer une plainte concernant le tsunami de lois qui ont été adoptées et qui vont non seulement à l'encontre de nos relations fondées sur des traités, mais qui nuisent aussi énormément à ces relations. En tant que signataires de traités, nous avons le droit de participer à la prise de décisions ayant trait à nos droits, surtout lorsqu'il s'agit de décisions concernant nos terres et nos ressources.
Nous pensons que votre comité devrait obtenir l'opinion des conseillers juridiques du Parlement afin de déterminer si le Parlement a satisfait ses propres obligations de s'assurer que le projet de loi C-27, s'il est adopté, ne portera pas atteinte au droit inhérent et garanti par traité à l'autonomie gouvernementale des Premières nations. Il ne peut pas se fier aux juristes du gouvernement à ce sujet.
J'ai ensuite dit ceci au comité :
Récemment, lorsque le comité a été saisi de certaines sections du projet de loi d'exécution du budget, c'est-à-dire le projet de loi C-45, nous avons convenu à l'unanimité que le fait d'envoyer une lettre aux Premières nations après la présentation du projet de loi ne rencontrait aucune des exigences en matière de consultation. Je vais lire un extrait des observations que nous avons appuyées à l'unanimité il y a moins de quatre mois. Notre comité a fait les observations suivantes :
Le Comité constate également, à son grand désarroi, que le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord n'a envoyé aux chefs et aux conseils des Premières nations une lettre les informant de ce projet de loi qu'après que ce dernier eut été déposé. Une telle façon de faire est, de l'avis du Comité, inacceptable et constitue une insulte aux Premières nations. Le Comité s'en inquiète grandement, car il y voit une occasion manquée : il aurait fallu obtenir la participation significative des populations des Premières Nations pour arriver à un consensus sur une question importante pour l'ensemble des Premières Nations qui détiennent des terres de réserve régies en vertu de la Loi sur les Indiens.
Honorables sénateurs, si nous tenons notre parole de parlementaires, nous ne pouvons pas permettre qu'on poursuive ce processus insultant et inacceptable de non-consultation. Les témoins ont clairement indiqué qu'on n'avait pas consulté les Premières nations au sujet du projet de loi C-27. Notre comité a travaillé fort pour accomplir de grandes choses pour les peuples des Premières nations au cours des années; et il y a des précédents sur la question du retrait en raison d'un manque de consultation. Certains honorables sénateurs se souviendront que lors de la première présentation du projet de loi S-11, Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières nations, notre comité a adopté une motion visant à retirer le projet de loi, afin qu'on puisse mener des consultations auprès des Premières nations.
La motion avait été présentée par le sénateur Dallaire, qui faisait partie du comité à l'époque. La motion avait été adoptée et appuyée par les deux côtés.
C'est pourquoi j'encourage fortement tous les honorables sénateurs à faire preuve de cohérence avec nos actions précédentes, c'est-à-dire le retrait du projet de loi S-11 et nos déclarations vigoureuses au sujet du manque de consultation sur le projet de loi C-45. Je vous demande d'appuyer l'adoption de ma motion visant à retirer le projet de loi C-27, afin que le ministre Valcourt puisse étudier les recommandations de nos témoins et qu'il entreprenne les démarches jugées appropriées dans le contexte du renouvellement des relations entre la Couronne et les Premières nations qui a eu lieu cette année. L'adoption de la motion donnera au ministre Valcourt et au ministère l'occasion de consulter les Premières nations et d'atteindre un consensus sur l'importante question qui touche toutes les Premières nations, c'est-à-dire la question des terres de réserve assujetties à la Loi sur les Indiens.
Honorables sénateurs, comme je l'ai mentionné hier pendant le débat, l'entrée en vigueur du projet de loi C-27 le 1er avril de cette année préoccupe les populations des Premières Nations. Les fonctionnaires du ministère des Affaires autochtones ont les ententes de financement et les accords modificatifs pour l'exercice 2013-2014 en mains et ils demandent aux Premières Nations de les signer, mais les Premières Nations craignent qu'on leur demande de respecter des mesures législatives à propos desquelles ils n'ont pas pu donner leur avis, soit le projet de loi C-38, le projet de loi C-45 et maintenant le projet de loi C-27.
Hier, le sénateur Patterson a confirmé que ce projet de loi entrera en vigueur le 1er avril 2013 si nous l'adoptons d'ici la fin du mois de mars. Ce projet de loi sera imposé aux Premières Nations sans leur consentement et sans qu'elles aient été consultées. Rien ne justifie d'imposer ce projet de loi à la grande majorité des Premières nations. Elles n'ont rien fait de mal, tout comme la plupart, sinon la totalité, des sénateurs.
(1640)
Honorables sénateurs, il suffit de consulter l'entente de financement de 2012-2013 que j'ai mentionnée hier pour découvrir toutes les politiques que doit respecter une bande des Premières Nations pour obtenir du financement et le conserver. L'article 6 comporte toutes sortes de mesures régissant la transparence et les recours ainsi que la divulgation de renseignements financiers, y compris des renseignements personnels, aux membres de la bande.
Honorables sénateurs, le projet de loi est mal ficelé, inconsidéré et inutile. Le processus d'entente de financement, sur lequel le ministère des Affaires autochtones a la mainmise, est assorti de toutes les dispositions nécessaires pour qu'un conseil de bande des Premières Nations respecte son obligation redditionnelle envers ses membres. D'ailleurs, ces ententes ne sont pas que des futilités administratives : ce sont des contrats ayant force légale qui imposent aux conseils de bande de rendre des comptes en toute transparence à leurs membres. Si un conseil ne respecte pas ces dispositions, le ministère des Affaires autochtones peut prendre des mesures correctives. C'est prévu au contrat. Le ministère peut même mettre un terme au financement, le même recours que celui qui figure à l'article 13 du projet de loi C-27.
Comme je l'ai dit hier, depuis quelques semaines, des fonctionnaires du ministère des Affaires autochtones sillonnent le pays avec les ententes de financement et de modification de 2013-2014. Or, cette année, les bandes redoutent plus que jamais de se faire imposer des mesures non désirées en signant ces documents.
Ainsi, voici ce qu'on lisait hier dans un article :
L'une des communautés autochtones les plus pauvres du Canada envisage de conclure avec Ottawa une entente de financement de 16 millions de dollars, malgré sa crainte qu'elle porte atteinte aux droits de ses membres.
La Première nation de Burnt Church, au Nouveau-Brunswick, tiendra demain une assemblée pour débattre de la conclusion d'une entente annuelle de financement avec le ministère des Affaires autochtones, malgré ses réserves à l'égard des changements majeurs apportés à l'entente.
Selon un responsable, la communauté craint que le document ne compromette ses droits issus de traités ainsi qu'une poursuite en instance intentée contre le gouvernement fédéral.
« Nous avons voté à peu près unanimement vendredi contre sa signature, mais, après quelques jours de réflexion, je suis presque certain que le chef et certains membres du conseil se sentent comme s'ils avaient un pistolet sur la tempe et se demandent quoi faire. Ils n'ont pratiquement pas le choix » a-t-il déclaré, avant d'ajouter que le gouvernement fédéral « nous dit essentiellement que si nous ne signons pas l'entente, nos gens vont mourir de faim. »
Selon Bartibogue [un conseiller de cette Première nation], les rencontres de vendredi avec les représentants régionaux des Affaires autochtones ont échoué, et la tentative de la collectivité pour signer l'entente de force — de manière à protester contre le contenu du document — a été torpillée.
Bartibogue a mentionné que la collectivité avait fait part de ses préoccupations au ministre des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, lors d'une rencontre à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, le 13 mars, soit deux jours après que le groupe ait reçu les documents et deux jours avant la date limite de la signature de l'entente. Les dirigeants se sont plaints du manque de consultation à propos des changements et ont réclamé une explication au sujet des changements à l'aide sociale que semble contenir l'entente et qui avait été proposés dans le projet de loi C-38, auxquels ils s'étaient opposés.
Valcourt a dit à la collectivité de ne pas s'inquiéter, a raconté Bartibogue, et lui a assuré que l'entente n'entraînerait pas de conséquences négatives pour elle.
Il a dit que les fonctionnaires avaient menacé d'imposer une mise en tutelle à la Première nation si elle ne signait pas l'entente.
Selon Bartibogue, au moins cinq autres collectivités de Premières nations au Nouveau-Brunswick et plusieurs dans l'Ouest du Canada pourraient aussi retarder la signature de l'entente en raison de changements semblables à leur contrat.
« Nous ne sommes pas les seuls; d'autres font comme nous, partout au pays » de déclarer Bartibogue. « Les changements qu'ils ont faits sont tellement draconiens. »
« Ils proposent une nouvelle entente de financement qui ne conviendra pas aux gens. »
Honorables sénateurs, le moment ne pourrait être plus mal choisi pour imposer encore un autre projet de loi non désiré et inutile aux Premières nations.
Motion d'amendement
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, par conséquent, je propose :
Que le projet de loi C-27 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit lu une troisième fois dans six mois à compter de ce jour.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Chaput, le débat est ajourné.)
[Français]
Préavis de motion tendant à la fixation de délai
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai discuté avec le leader adjoint de l'opposition quant au temps que l'on devait accorder à ce débat et, compte tenu de l'importance que ce projet de loi entre en vigueur avant le 31 mars pour qu'il puisse avoir une application immédiate sur la comptabilité des groupes des Premières Nations, nous avons tenté d'en venir à une entente le temps que nous devrions accorder à ce débat, ce que nous n'avons pas pu faire.
Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous avons traité toutes les affaires du gouvernement. Comme il est plus de 16 heures, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 18 octobre 2011, le Sénat s'ajourne au jeudi 21 mars 2013, à 13 h 30, par décision du Sénat.
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 21 mars 2013, à 13 h 30.)